Le maillon faible

Pour des raisons mystérieuses, ou alors trop évidentes, l’opposition a décidé que la ministre de la Justice, Christiane Taubira, devait être désignée comme la responsable principale de tous les maux qui affectent notre société. Elle considère que la garde des Sceaux est le maillon faible du pouvoir depuis sa nomination en 2012, contre laquelle tous les coups seraient permis, et qui est la cible d’attaques répétées s’apparentant à du harcèlement. Je sais bien que les politiques ont le cuir tanné, mais je crois que beaucoup de ses collègues masculins auraient jeté l’éponge devant ces campagnes incessantes de dénigrement.

Il semblerait même que ces assauts la stimulent. Elle a répondu avec brio à Henri Guaino qui l’accusait de ne pas aimer son pays, de détester la nation, l’état, l’autorité et contredit l’antenne sur laquelle elle était invitée, BFMTV, qui la prétendait en perte de vitesse et sur le point de quitter son ministère. Sans oublier les campagnes de caniveau qui ressortent régulièrement de la part de l’extrême droite, basées sur des comparaisons racistes qui l’assimilent au genre simiesque. Un amalgame honteux qui n’a pas empêché celui qui se considère comme le chef de l’opposition, Nicolas Sarkozy, de chercher à en faire le bouc émissaire de ses attaques en règle concernant le soi-disant laxisme du pouvoir. Un épouvantail qui marche à tous les coups doit se dire l’ancien premier flic de France en se souvenant du coup de main inespéré de l’agression de Papy Voise, juste avant les élections de 2002, dont les images sont passées ad nauseam à la télévision. 13 ans après, le paysage a quelque peu changé. C’est un autre ancien ministre de l’Intérieur qui est à Matignon et qui occupe le terrain policier, tandis que l’accusation de laxisme de la Justice ne repose sur rien de concret.

Reste « l’acharnement judiciaire » dont serait l’objet l’ancien président. Une position de victime dont raffole Nicolas Sarkozy, au point de voir la main de la ministre dans les écoutes de son téléphone dans l’affaire d’Air cocaïne. Des écoutes qui n’ont rien donné, démontrant en creux la réalité de l’indépendance de la justice, en contredisant les permanentes théories du complot destiné à empêcher le retour du messie. Et si c’était lui, le maillon faible ? Lui qui ne cesse de prendre son propre camp à contre-pied en tirant dans toutes les directions à la fois, obnubilé par la boursouflure de son ego ?