Désespérant Billancourt
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le vendredi 3 janvier 2025 10:47
- Écrit par Claude Séné
Comprenons-nous bien. Le temps n’est plus où la régie nationale des usines Renault comme on l’appelait à l’époque était considérée comme un laboratoire social dans lequel expérimenter les avancées dans le domaine des innovations et l’amélioration de la condition ouvrière. On avait coutume de dire alors que « lorsque Billancourt éternue, la France s’enrhume », et jusqu’à Jean-Paul Sartre qui préférait sacrifier la vérité historique sur le régime soviétique pour éviter de désespérer les ouvriers de Billancourt. Après sa privatisation, l’état a quand même conservé une minorité de blocage en détenant 15 % du capital de l’entreprise, qui lui permet, en théorie, d’avoir son mot à dire dans les décisions importantes.
Et c’est précisément le cas en ce moment, car Renault, qui est le principal client de la Fonderie de Bretagne, une ancienne filiale du groupe en difficulté financière, pourrait sauver cette entreprise et les 350 emplois correspondants en s’engageant sur un volume de commande assurant la pérennité de l’usine dans les années à venir. Un repreneur allemand serait prêt à racheter l’usine menacée de fermeture complète sous condition d’un projet viable avec Renault. Après avoir lanterné depuis l’été dernier et avoir baladé tout le monde, le président de Renault a signifié juste avant Noël qu’il arrêtait totalement les discussions, en guise de cadeau au pied du sapin. Ce diktat aura au moins un mérite, c’est de provoquer un rassemblement autour de la Fonderie pour tenter de sauver ce qui peut l’être encore. Plusieurs organisations syndicales, la CFE-CGC, la CGT et le Medef, et une vingtaine d’élus de la région Bretagne ont cosigné une lettre ouverte à Emmanuel Macron pour demander au président d’intervenir, dans l’intérêt de la France et pour sauvegarder un des derniers fleurons de la production industrielle.
Cette unanimité devrait inciter le président de la République à donner une suite favorable à cette demande, lui qui pousse les Français à se réunir, quand ça l’arrange, et derrière lui, de préférence. Les signataires font observer que Renault, comme les autres entreprises françaises, a bénéficié de près de 300 millions d’euros d’aides publiques en 2023, ainsi que d’un prêt garanti par l’état de 4 milliards pendant le COVID. Et Renault ne devrait pas renvoyer l’ascenseur en renonçant à quelques économies de bouts de chandelles liées à une délocalisation de sa production dans des pays moins-disant sur le prix de la main-d’œuvre ? Cette péripétie démontre, s’il en était encore besoin, que si l’état peut intervenir pour aider les entreprises, cela devrait impliquer un engagement de remboursement des aides octroyées en cas de manquement à des engagements moraux qui seraient pris en contrepartie. Mais je crains fort que le président, fidèle à son bréviaire libéral, se refuse à imposer de telles obligations pour continuer une politique de l’offre qui ne favorise que les puissants.