À fronts renversés
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le mercredi 8 janvier 2025 11:00
- Écrit par Claude Séné
Après l’annonce de la mort de Jean-Marie Le Pen, je m’attendais à devoir réagir à une coutume qui veut que le décès d’un personnage, aussi controversé soit-il, éteigne toute critique à son égard, comme sur un autre plan l’action éventuelle de la justice. Cette réaction, dans le sens originel du terme, s’est d’ailleurs exprimée par la bouche du ministre provisoire de l’Intérieur, Bruno Retailleau, pour qui la mort d’un homme l’absout de tous ses péchés et interdit de se réjouir de sa disparition. Il a qualifié certaines manifestations de liesse de honteuses, et prôné retenue et dignité, des notions totalement étrangères à la personnalité du défunt.
Il ne s’agit pas seulement ici d’un adversaire politique ordinaire, mais d’un ancien chef de file d’une faction défendant ouvertement un projet basé sur la haine des étrangers, déguisée en préférence nationale, un antisémite notoire, condamné comme tel à plusieurs reprises, et un sympathisant de la collaboration avec le régime nazi pendant l’occupation. Sans oublier ses faits d’armes en qualité de militaire, où il a participé à la bataille d’Alger et où il est fortement soupçonné d’avoir pratiqué la torture pour obtenir des renseignements. Des méthodes qu’il justifie au nom d’une comptabilité sordide de morts humaines. Je rejoins toutefois Bruno Retailleau sur un point. Ce n’est pas la personne de Jean-Marie Le Pen qui était en cause, mais son idéologie. Sa mort n’est qu’un détail de l’histoire, comme il le disait des chambres à gaz. Sa fille, Marine, a déjà repris le flambeau depuis longtemps avec une certaine habileté, qui l’a propulsée aux portes du pouvoir. Sa petite-fille, Marion Maréchal, se tient prête à la succession si nécessaire, et « le ventre est encore fécond d’où a surgi la bête immonde ».
À trop vouloir banaliser ce mouvement et faire oublier un passé gênant en le minimisant au nom du respect dû aux morts, on favorise l’entreprise du Rassemblement national et la démarche de sa présidente qui s’est attachée à donner à son mouvement une image de respectabilité. Jean-Marie Le Pen lui-même en dehors de ses sorties provocatrices s’efforçait de représenter un fascisme à visage humain. Sa caricature dans Charlie hebdo, c’était un molosse, dont les crocs acérés dépassaient de la gueule, malgré ses efforts pour les masquer. Par une ironie de l’histoire, les dates se télescopent, et Jean-Marie Le Pen est mort un 7 janvier, 10 ans jour pour jour après le massacre perpétré des dessinateurs de Charlie, qui ne rataient pas une occasion de le caricaturer. Devant cette concurrence victimaire, ma religion est faite, je choisis clairement le camp progressiste, n’en déplaise aux réactionnaires honteux qui n’assument pas leurs coupables sympathies.
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