Droit ou liberté ?

Au cours du discours présidentiel d’hommage à la militante féministe qu’était Gisèle Halimi, Emmanuel Macron a salué, je cite, « l’engagement (de l’avocate) pour le droit à l’avortement ». C’est moi qui souligne, car, dans la foulée, le président a annoncé son intention d’inscrire dans la Constitution, la liberté de recourir à l’interruption volontaire de grossesse. Ça n’a l’air de rien, mais ce choix de vocabulaire est tout sauf anodin. Imaginez un peu une déclaration des libertés de l’homme et du citoyen, et la différence avec ce qui est en vigueur actuellement en France et a été repris ensuite universellement.

Ce n’est pas pour rien que dans la devise française la liberté est accompagnée immédiatement de l’égalité, et même de la fraternité, qui, hélas, passe à la trappe plus souvent qu’à son tour. L’expérience nous a prouvé que les libertés fondamentales sont trop fréquemment foulées aux pieds par des puissants qui s’arrogent le pouvoir de réglementer l’exercice de ces libertés. Seul un droit peut s’imposer sans contestation possible, et fournir une justification intrinsèque en fournissant les moyens de l’exercer. Emmanuel Macron, selon sa mauvaise habitude, fait semblant de penser que le débat commence aujourd’hui sur cette mesure qui devra faire l’objet d’un projet de loi présenté par le gouvernement. Avant lui, rien n’a existé, de même qu’après lui, vous l’avez deviné, ce sera le déluge et la fin des temps.

Or, ce n’est pas la première fois que la question de l’IVG est posée. L’Assemblée nationale s’était prononcée pour l’inscription du droit à l’avortement, et le Sénat avait modifié le texte en faveur de la liberté de recourir à l’IVG. Le choix du président s’inscrit donc dans une stratégie d’alliance avec la droite traditionnelle, en tentant de jouer sur les deux tableaux, entre sénateurs et députés. Ce n’est pas de cette manière qu’il échappera au soupçon de vouloir instrumentaliser les sujets de société pour tenter de faire oublier sa politique sociale défaillante. La preuve en est dans le choix des procédures. Au lieu de faire voter sur un texte spécifique à l’IVG, il semblerait qu’il soit inclus dans un salmigondis de textes constitutionnels divers, sur lesquels il sera plus difficile de trouver un accord satisfaisant. De plus, la mouture définitive serait soumise à référendum alors qu’elle pourrait être ratifiée par le parlement réuni en congrès. Simplement, la majorité qualifiée n’est que de 50 % pour un référendum contre trois cinquièmes avec des parlementaires difficiles à manipuler. Toute cette agitation pour une loi qui sera présentée dans plusieurs mois ressemble bigrement à une opération de diversion, voire d’enfumage pur et simple. Elle pourrait se retourner contre son auteur, Machiavel au petit pied, tant les Français ont tendance à transformer les référendums en plébiscites contre les pouvoirs en place. Ce ne serait que justice.