Démocratie directe
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le vendredi 10 mars 2023 10:56
- Écrit par Claude Séné
Pendant que nous débattons à l’infini de la légitimité d’un pouvoir élu démocratiquement dans des scrutins libres et non faussés, l’exemple de la Géorgie devrait nous amener à réfléchir, et tout particulièrement le président de la République, qui n’hésite pas à interpeler des opposants en les écrasant de son onction par le suffrage universel. Emmanuel Macron feint de croire que le peuple français l’a élu pour mettre en œuvre intégralement son programme, notamment sur la réforme des retraites, alors que chacun sait que seule une fraction minoritaire a voté pour lui au premier tour, et qu’une autre partie de l’électorat a seulement voulu éviter l’accession au pouvoir de la candidate d’extrême droite.
En Géorgie, la coalition au pouvoir, Rêve géorgien, qui est pourtant favorable officiellement à l’entrée du pays dans l’Union européenne et dans l’OTAN, a présenté un projet de loi calqué sur son homologue russe, au point que l’on a pu l’appeler « loi Poutine ». Il s’agissait d’obliger les médias et les ONG à se déclarer « agents de l’étranger », dès lors que leur financement par l’étranger dépassait les 20 %. C’est au nom de la même loi que Poutine a pu contrôler, tracasser voire persécuter toute opposition au régime. 400 ONG et médias géorgiens ont dénoncé cette loi liberticide, adoptée par le Parlement et des milliers de manifestants se sont rassemblés dans la capitale Tbilissi pour réclamer son retrait. Le pouvoir a bien tenté de réprimer le mouvement à coup de canons à eau, de gaz lacrymogènes et de matraquages policiers, dans la pure tradition des régimes autoritaires même élus démocratiquement. Cependant, le pouvoir géorgien, chapeauté par une présidente d’origine française, s’est montré moins buté que son homologue parisien, et il a retiré son texte au bout de seulement 48 heures de manifestations.
Un résultat qui en dit long sur l’exercice démocratique dans les deux pays. Pour comprendre pourquoi le régime géorgien se montre plus clairvoyant que pouvoir français, il faut resituer le contexte. La Géorgie soutient l’Ukraine, qui le lui rend bien, et elle sait que c’est elle qui est en première position sur la liste de Poutine des pays qu’il veut récupérer, s’il parvient à ses fins. Sa candidature à l’UE serait également handicapée si le pays semblait mépriser les aspirations de son peuple à un fonctionnement démocratique. À l’inverse, Emmanuel Macron veut apparaitre intransigeant pour rassurer les banques et les financiers européens. Il est amusant de constater que le président français, qui ne tient aucun compte de son opinion publique, très largement opposée à son projet de réforme des retraites, salue les progrès démocratiques et les efforts de la Géorgie pour « consolider un état de droit ». On aimerait que la Géorgie puisse lui retourner le compliment et constater que la France est redevenue le pays du dialogue social.