Un os à ronger

En ce début de discussion budgétaire, voilà que resurgit un serpent de mer, celui de la modulation des allocations familiales. Puisqu’il faut trouver de l’argent, des députés socialistes ont relancé l’hypothèse de soumettre les allocations familiales à des conditions de ressources, une idée presque aussi vieille que les prestations elles-mêmes.

 

Un des promoteurs de ce projet explique sa position à partir de sa situation personnelle : il gagne très correctement sa vie en qualité de député et ne compte pas sur le complément de la CAF pour boucler ses fins de mois. Dans le camp des opposants, chez qui l’on retrouvera non sans une certaine surprise Jean-Luc Mélenchon, on fait observer que les cotisations sociales étant universelles et proportionnelles aux revenus, il est juste que les prestations soient servies à tout le monde. Les associations familiales rurales sont sur la même position, préférant réserver le rôle redistributif au seul impôt sur le revenu. Un autre argument consiste à mettre l’accent sur le manque à gagner de la CAF du fait de cotisations non perçues. Il est clair que la chasse à l’évasion fiscale sous toutes ses formes est une nécessité, mais ne répond pas à la question posée.

Le projet gouvernemental ne prévoit pas cette disposition et le président Hollande lui-même n’a pas pris position en sa faveur, mais les ministres concernés, à commencer par Marisol Touraine, n’ont pas rejeté d’emblée cette idée, et ont même encouragé les députés à en débattre. C’est que les sujets susceptibles de redorer un peu le blason de la gauche ne courent pas les rues en ce moment. Surtout les sujets qui pourraient diviser la droite conservatrice. En effet, si Lionel Jospin a été le seul à mettre en place effectivement un plafond de ressources pour l’attribution des allocations familiales, l’idée d’une modulation ou d’une fiscalisation a été évoquée par Xavier Bertrand ou Alain Juppé en leur temps, et même par Bruno Lemaire quand il préparait le programme du candidat Sarkozy en 2011.

Les uns comme les autres, y compris Jospin, ont été obligés de reculer devant la levée de boucliers suscitée par ces propositions iconoclastes. Ce n’est pas au moment où la cote de popularité de l’exécutif est au plus bas et où les intégristes traditionalistes de la défense de la famille descendent si facilement dans la rue, que le gouvernement prendra le risque de laisser passer un amendement aussi hasardeux. Le parlement aura cependant l’impression de pouvoir jouer son rôle.