Accusé de réception

Monsieur le Président, j'ai bien reçu votre lettre, et je l'ai lue avec toute l'attention nécessaire car j'espérais y trouver quelques indications sur la façon dont un chef d'état digne de ce nom comptait s'y prendre pour tenter de réparer les dégâts causés par sa décision pour le moins intempestive de dissoudre sa propre majorité très relative, au moment où notre pays se préparait à accueillir les jeux olympiques. Je ne pense pas possible de redresser une situation bien compromise sans commencer par analyser lucidement la situation que vous avez créée. Vous dites que personne n'a gagné, au sens où aucun bloc n'a atteint la majorité absolue, reconnaissez cependant que quelqu'un a perdu, et c'est vous.

Vous avez parié sur votre chance personnelle, et c'est bien contre votre échec que les électeurs ont voté comme ils l'ont fait. Ne vous y trompez pas, le front républicain qui a permis de limiter la casse, n'était pas destiné à vous sauver la mise, mais à empêcher l'extrême droite de parvenir immédiatement au pouvoir. Nous ne sommes pas pour autant tirés d'affaire, et vous pourrez vous en vouloir si ce désastre démocratique se produit à une prochaine échéance. Vous n'avez pas voulu voir la colère qui montait dans le pays, même quand elle s'exprimait par des crises comme celles des gilets jaunes ou de la paysannerie. Ce ne sont pas des grands débats sans lendemain qui permettront de calmer les plus maltraités des Français, ni de commencer à réduire les fractures sociales.

Par votre faute personnelle, le pays est bloqué. Et vous en rajoutez dans la provocation en refusant de nommer un Premier ministre, comme si vous décidiez de la loi et de la Constitution à votre guise. Vous avez le pouvoir de désigner qui vous voulez, mais pas celui de ne nommer personne, ce qui aboutirait à un statu-quo, un immobilisme dont on ne connaîtrait pas le terme . Il ne vous appartient pas non plus de vous substituer aux députés eux-mêmes en décidant qui est fréquentable et qui ne l'est pas. Vous exigez des partis représentés à l'Assemblée nationale qu'ils se mettent d'accord. Soufrez d'abord qu'ils en décident en toute liberté et transparence, des mots qui ne sont que paroles verbales sans valeur dans votre bouche. Les Français ne sont pas tous amnésiques. Beaucoup d'entre eux en ont soupé de devoir voler à votre secours afin d'éviter le pire, sans que vous teniez le moindre compte de leurs opinions personnelles qui ne sont pas toutes, loin de là, en faveur d'un enrichissement constant des plus fortunés quand vous refusez de prendre la moindre mesure pour améliorer la condition des plus pauvres, de mieux rémunérer le travail et permettre une accession à la retraite à un âge décent. Vous nous aviez dit en 2022 « ce vote m'oblige ». C'est le moment d'honorer votre engagement.