Je m’autorise à penser

Je ne fais pas partie des milieux autorisés dont parlait Coluche, mais cela ne m’empêche pas de suivre, comme vous, l’actualité, dans la mesure où l’on nous en tient informés. Alors, même si « on ne nous dit pas tout », il est difficile de cacher au monde entier des évènements aussi spectaculaires que la chute d’un avion russe dans le désert du Sinaï, qui a fait 224 victimes la semaine dernière. Pour des raisons de politique intérieure et internationale, ni l’Égypte ni la Russie ne semblent décidées à admettre l’hypothèse qui semble de plus en plus vraisemblable, celle d’une explosion criminelle ayant entrainé la perte de l’appareil.

Le président égyptien, le général Sissi, préfèrerait de beaucoup la thèse de l’accident, pour des raisons évidentes. Montrer que son pouvoir tient la situation bien en main et éviter une nouvelle hémorragie de l’industrie touristique, à peine remise des attentats qui ont frappé régulièrement le pays. De même, le président Poutine aimerait donner l’image d’un régime fort, inaccessible au terrorisme international. Il a de bonnes raisons de penser, lui, que les représailles de l’état islamique qui a revendiqué l’attentat, seraient totalement injustifiées dans la mesure où les frappes russes en Syrie ont pour objectif principal de museler l’opposition à son protégé Bachar el-Asad plutôt que de s’en prendre à Daech. Cela ne suffit apparemment pas à immuniser la Russie contre des actions terroristes, en vertu du principe que les amis de mes ennemis sont aussi mes ennemis.

Reconnaitre la responsabilité possible et même probable de l’état islamique ou de sa mouvance dans la région, obligerait la Russie à revoir sa stratégie dans le conflit syrien. Au lieu de s’en prendre presque exclusivement aux opposants au régime, quitte à déstabiliser encore un peu plus les rapports de force dans la région, la Russie pourrait être amenée à s’en prendre plus efficacement aux islamistes, et donc à renforcer la menace terroriste contre ses intérêts et même sur son sol national, comme aux heures les plus noires du conflit avec la Tchétchénie. Une hypothèse dont se passerait bien l’autocrate russe au moment où son pays reprend la main sur la scène internationale. Les analyses en cours du contenu des boites noires pourraient bien mettre tout le monde d’accord en apportant des preuves ou des indices suffisamment concluants pour accréditer ou non la thèse d’un attentat et couper court aux spéculations.