Babylone

Pour le ministre de l’Intérieur, des policiers qui tabassent gratuitement un homme dans un lieu privé en le traitant de « sale nègre », ne sont que des fonctionnaires « qui déconnent ». Dit comme ça, c’est plutôt gentillet, et ne revêt aucun caractère de gravité. J’ai aussi entendu l’ancien conseiller parlementaire de Marion Maréchal, parodier Jean-Pierre Darroussin, en déclarant sur LCI qu’il n’y avait pas mort d’homme. Ben, il ne manquerait plus que cela. Quant à moi, il m’est revenu en tête une chanson de Bill Deraime, intitulée : « Babylone, tu déconnes ».

La Babylone du bluesman français, c’est celle de la station de métro parisien, Sèvres-Babylone, mais c’est aussi le symbole biblique de la société mercantile décadente et pervertie, destinée à périr dans les flammes au jugement dernier. Un symbole repris par des mouvements divers pour dénoncer les travers de nos sociétés modernes. On a beaucoup dit à propos de cette affaire que la police détenait le monopole de la violence légitime. Il me semble que c’est un abus de langage. Les sommations envoyées à des manifestants avant une dispersion ne font état que d’un usage de la force. Parler de violence implique selon moi une notion de brutalité qui ne devrait pas être forcément nécessaire, du moins dans son intentionnalité. Utiliser certains moyens, comme les lanceurs de balles, implique le risque de mutilation et peut être considéré comme agressif, contrairement au qualificatif abusif d’arme défensive. Mais une simple matraque peut aussi faire d’énormes dégâts si elle est maniée dans un but destructif. La doctrine de maintien de l’ordre devrait donc être basée sur la nécessaire retenue des policiers, et la proportionnalité des moyens utilisés.

Cela implique une formation approfondie dès le début de carrière des policiers, un encadrement suffisant et un contrôle extérieur indépendant, sans préjudice d’une instance interne telle que l’IGPN pour des sanctions administratives. Depuis la généralisation des smartphones, les vidéos amateurs sont devenues les moyens de régulation des conduites policières et ont permis de rectifier certains abus de pouvoir, en contrebalançant des déclarations parfois mensongères des autorités. Au lieu d’en restreindre l’usage, le pouvoir devrait s’en féliciter et généraliser le port des caméras-piétons chez les policiers eux-mêmes pour éviter les abus, de part et d’autre. Enfin, je reste surpris que les services de l’état ne parviennent pas à identifier et à mettre hors d’état de nuire les quelques centaines de casseurs professionnels qui polluent toutes les manifestations, et les font dégénérer systématiquement. De quoi nourrir toutes les théories du complot qui soupçonnent le pouvoir de pourrir volontairement les revendications légitimes en les ensevelissant sous des violences complètement illégitimes, y compris au moyen d’agents provocateurs « pousse-au-crime », pour renvoyer casseurs et policiers violents dos à dos.