Furieusement tendance

En pleine « fashion week » de Paris, je peux vous annoncer que la tendance pour l’automne-hiver comme pour le printemps-été sera résolument à l’extrême droite. Jusqu’à présent, il était de bon ton dans le microcosme médiatico-politique cher à Raymond Barre de se lamenter sur le mauvais goût de la plèbe qui votait mal et propulsait le Front national vers des sommets électoraux.

 

Les dirigeants de ce parti restaient infréquentables et l’on se contentait à droite de faire la cour à ses électeurs en dénigrant ses représentants à qui l’on faisait la courte échelle en reprenant leurs slogans. Plusieurs paliers ont pourtant été franchis récemment. Le dernier en date, c’est l’entrée de deux élus du Front national au Sénat. Il a fallu pour cela que des grands électeurs supposés modérés les aient désignés pour représenter leurs idées. Il ne s’agit plus là d’électeurs « égarés » par manque de conscience politique, mais bien d’élus censés avoir des opinions étayées sur une réflexion approfondie.

Autre signe des temps, la tribune accordée à la pasionaria vieillissante de la cause des animaux et soutien indéfectible des Le Pen, père et fille, l’ancien symbole des années 50, dont elle a gardé les idées, mais pas le physique. À l’occasion de ses 80 ans, elle a accordé une interview au playboy de la télé, Laurent Delahousse, en exigeant d’être filmée sous son meilleur profil, c’est-à-dire de trois quarts arrière. Malheureusement, elle ne s’est pas appliqué le fameux slogan : « sois belle et tais-toi », d’une part parce que la première partie n’est plus de saison, et d’autre part, parce qu’elle a gardé la fâcheuse habitude de dire tout le bien qu’elle pense des idées nauséabondes de ses amis politiques.

Mais le pire de tout nous est venu du plus improbable plaidoyer en faveur du fondateur du Front national de la part de celui qui devrait être son ennemi héréditaire. Dans « Le Pen, vous et moi », Serge Moati explique qu’il ne déteste pas l’homme Le Pen, pour lequel il semble avoir une sorte de fascination, comme l’oiseau pour le serpent. Ce n’est peut-être pas son but, mais Serge Moati, dont les parents ont pourtant été déportés par les nazis dont Jean-Marie Le Pen n’a jamais condamné clairement les agissements, concourt à une normalisation de l’extrême droite. Après la dédiabolisation, réussie par Marine Le Pen, voici venu le temps de la pipolisation. Il est grand temps de confisquer les allumettes aux irresponsables qui jouent avec le feu.