La gifle

C’est une sorte de soufflet qui a été asséné aux Français mercredi soir lorsque le Premier ministre, qui s’était invité au journal de TF1, a indiqué qu’il comptait récupérer le déficit des comptes publics dont son gouvernement est comptable, sur le dos des plus précaires, ceux qui sont privés d’emploi et qui essaient de survivre avec de maigres indemnités encore trop généreuses à son goût. J’ai aussitôt pensé à cet incident de campagne présidentielle à Strasbourg en 2002 quand François Bayrou avait giflé un enfant de onze ans en l’apostrophant d’un sonore « tu me fais pas les poches ! » dans un langage bien peu châtié pour un ancien ministre de l’Éducation nationale.

L’école dans le viseur

Le phénomène n’est pas nouveau, mais il prend de l’ampleur. La nation a depuis longtemps délégué aux enseignants le pouvoir et la mission de réguler les phénomènes sociaux, en particulier sur tout ce qui concerne la laïcité. L’école est supposée constituer un havre de tranquillité au milieu d’une société traversée par des courants contradictoires. Cette sanctuarisation a plus ou moins joué son rôle depuis les lois instituant l’école publique, laïque et obligatoire, tant qu’elle a correspondu à une sorte de consensus. Malgré les conflits liés à la concurrence avec l’enseignement privé, les « hussards noirs de la République » avaient le sentiment de mener un juste combat contre l’obscurantisme et pour l’épanouissement des générations à venir, en ayant la reconnaissance de la société.

Démocratie à géométrie variable

Voilà bientôt 5 ans que le gouvernement français a fait adopter la ratification de l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada par une Assemblée nationale à l’époque majoritairement acquise à sa cause, mais qu’il a omis sciemment de présenter le texte au Sénat, contrôlé par le parti Les Républicains, en espérant des jours meilleurs. Le gouvernement était d’autant moins pressé que le traité pouvait s’appliquer provisoirement, et que nous sommes les spécialistes du provisoire qui dure, si l’on en juge par l’état de nos routes secondaires par exemple. Le CETA était donc tombé gentiment dans l’oubli, jusqu’à ce que la contestation paysanne le remette sous les feux de la rampe.

Maître Jacques et Harpagon

L’annonce du déficit public officiel pour l’année 2023, qui s’établit à 5,5 % du produit intérieur brut, a constitué un démenti cinglant à l’optimisme de circonstance affiché par Bercy, qui avait tablé sur 4,9 %, déjà très au-dessus de la barre fatidique des 3 % qui est toujours l’objectif du gouvernement, qu’il espère contre toute vraisemblance atteindre en 2027. Pourquoi ne peut-on pas croire sur parole Bruno Le Maire quand il affirme que nous pouvons y parvenir sans augmenter les impôts ? Peut-être parce que nous sommes un peuple cartésien et que nous ne voyons pas comment ce qui n’a pas été possible jusqu’à présent le deviendrait sans un renversement de la logique pratiquée par le ministère de l’Économie.