À qui le tour ?

Vous avez peut-être vu ou revu ce spot publicitaire dans lequel c’est le médecin qui s’écroule dans sa salle d’attente en venant chercher le patient suivant, victime apparemment d’une crise cardiaque. Il sera tiré d’affaire grâce à une jeune fille qui a appris « les gestes qui sauvent » et lui a pratiqué un massage cardiaque. La campagne est financée par un groupe bien connu, dont le symbole est une robe à pois portée par des jeunes filles toutes prénommées Cerise. Ce qui a retenu mon attention, c’est le risque de surmenage, bien réel, des médecins généralistes, soumis à une demande exponentielle à laquelle ils tentent de répondre.

Quand je vais voir mon médecin traitant pour un contrôle de routine, elle ne manque jamais de me demander comment je vais, et j’ai grande envie de lui retourner la question. Par chance, elle est plus jeune que moi et j’ai bon espoir de ne pas être contraint de la remplacer, compte tenu du déficit général de médecins dans la plupart des zones géographiques. Dans la bourgade où j’habite, il y a bien un médecin, mais les listes d’attente pour de nouveaux patients sont closes, et pour longtemps, apparemment. Quand on sillonne un peu la France et surtout ses campagnes, on ne manque jamais de tomber sur des calicots où les municipalités essaient de recruter des généralistes et d’autres personnels de Santé pour fournir à leurs administrés une offre compète de soins. Ailleurs, les habitants se mobilisent pour conserver leur hôpital ou leur maternité. La situation est encore pire pour certains spécialistes. Pas question de lâcher « son » dentiste quand on a la chance d’en consulter un, par exemple.

Les régions touristiques sont souvent les plus tendues. Les habitants des Sables-d’Olonne qui veulent consulter un ophtalmologiste ont dernièrement été conviés à faire la queue dès cinq heures du matin dans l’espoir de faire partie des chanceux qui décrocheraient un rendez-vous pour juin 2024 ! il sera bientôt aussi difficile de se faire soigner que d’obtenir un ticket pour aller voir la chanteuse à la mode, Taylor Swift, dont les places de concert sont attribuées par tirage au sort. Le constat ne date pas d’hier, mais les gouvernements successifs se sont contentés de gérer la pénurie, et n’ont pas engagé les efforts nécessaires pour élargir massivement l’offre de soin. Or, tout le monde comprend qu’il faut une dizaine d’années au bas mot pour former un médecin, voire plus s’il se spécialise. Il faut également se débrouiller pour que les nouveaux venus s’installent là où le manque est le plus criant, ce qui n’est pas gagné. En attendant que le maillage du territoire devienne effectif et, on l’espère, que les patients puissent trouver un professionnel dans un rayon raisonnable, on devra se contenter d’expédients et de pis-aller. Le rôle des pharmaciens sera étendu, jusqu’aux chirurgiens-dentistes qui pourraient être appelés à pratiquer des vaccinations. Le retour du fameux système D, en quelque sorte.