Taisez-vous, Elkabbach !

On sait que Georges Marchais n’a jamais prononcé cette phrase. Elle se trouve dans un sketch de l’imitateur Thierry Le Luron, mais, comme souvent avec l’humour, elle contient une part de vérité, au-delà de la fiction. L’ancien secrétaire du Parti communiste français aurait pu utiliser ces mots pour tenter de faire taire le journaliste, tant celui-ci se montrait fréquemment comme un contradicteur, voire un propagandiste, nettement orienté à droite, pour tenter de mettre ses interlocuteurs en difficulté. Le journaliste, qui vient de mourir à 86 ans, avait lui-même validé cette apostrophe en l’utilisant comme titre d’un de ses ouvrages en 1992.

Comme il est de mise dans ces circonstances, le défunt est évidemment paré de toutes les qualités par ceux-là mêmes qui devraient le critiquer. Dans le concert de louanges, il en est qui sont sincères, comme ceux décernés par son complice de toujours, Alain Duhamel, avec qui il a longtemps animé l’émission télévisée « cartes sur table ». Les hommages qui lui sont rendus aujourd’hui montrent surtout la capacité de nuisance du personnage, qui n’aimait rien tant que se mettre en scène pour voler la vedette à l’invité, y compris en essayant de le déstabiliser. C’est ainsi qu’il accueillait Marine Le Pen en 2015 en lui demandant : « vous n’avez pas honte ? » parce qu’elle n’avait pas participé au rassemblement parisien après les attentats visant Charlie Hebdo. Ce n’est pas exactement ce que la plupart des journalistes considèrent comme la base de leur métier : une certaine impartialité, à défaut de pouvoir prétendre à une parfaite objectivité. S’il détestait l’extrême-droite, il n’était pas plus tendre avec la gauche, quand il demandait à André Vallini, alors Secrétaire d’État, sa couleur préférée pour le mur sur lequel devait se fracasser sa réforme territoriale.

Jean-Pierre Elkabbach ne faisait pas mystère de ses sympathies conservatrices et pesait de tout son poids pour défendre les valeurs traditionnelles. Il se considérait apparemment davantage comme un débatteur, un acteur dans les controverses politiques que comme un arbitre entre positions antagonistes. Comme dirigeant de société dans l’audiovisuel, il se sera montré fidèle serviteur des intérêts de ceux qui l’ont nommé. Il n’aura éprouvé aucun état d’âme particulier pour s’accommoder des politiques mises en place par les majorités successives, si l’on exclut la parenthèse Mitterrand, pendant laquelle il sera placardisé. Il sera rappelé et jusqu’à un passé récent, travaillera pour Vincent Bolloré en retrouvant Europe 1. Il faisait partie d’une espèce en voie de disparition, celle des journalistes d’opinion, dont il ne reste plus que quelques spécimens. Certains appréciaient son style, offensif, mais souvent au service d’une idéologie contestable. Cette fois, Elkabbach s’est tu pour de bon.

Commentaires  

#1 jacotte86 04-10-2023 12:05
qui aura le courage d'abonder dans ton sens publiquement? j'attends...sans illusion ...la morale réprouve que l'on dénigre les morts au détriment de la sincérité!
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