La grande escroquerie

Vous savez déjà le mal que je pense des non-annonces du président, prises dans leur ensemble. Il y a un point qui me parait résumer assez bien toute l’ambiguïté de la politique néo-libérale prônée par le chef de l’état, c’est le sujet des retraites. Sur le papier, la grande réforme à l’étude sous la houlette de Jean-Paul Delevoye est destinée à instaurer une justice sociale proche de la perfection. La retraite dite « par points », en supprimant les régimes spéciaux, permettrait de calculer des droits identiques pour tout le monde, chaque euro cotisé donnant droit au même nombre de points.

Une première observation s’impose : la retraite ainsi calculée sera proportionnelle au salaire perçu et ne fera donc que perpétuer, sinon aggraver les inégalités constatées sur le marché du travail. Sans compter les disparités constatées du fait des périodes de chômage ou les temps partiels subis, et les injustices endurées par les femmes sous-payées. Un problème que tente de corriger in extremis Emmanuel Macron en instaurant une retraite minimale de 1000 euros pour tout travailleur ayant cotisé toute sa carrière. Précisément, une carrière dans un régime par points, ça fait combien d’années ? C’est là que réside la beauté de la chose : on ne sait pas. Ça peut même être interminable. Le travailleur est « libre ». Il a le droit de mourir au boulot si ça lui chante, comme Molière sur la scène, même si l’anecdote n’est pas tout à fait vraie. Il n’est même pas obligé de partir à 62 ans, l’âge légal d’ouverture des droits à taux plein. S’il veut se contenter de crever de faim avec une pension à taux réduit, ça le regarde, l’état ne s’en mêle pas.

Le candidat Macron s’étant engagé à ne pas retarder l’âge légal de départ à la retraite, le président Macron doit se débrouiller avec ça. Il a commencé par taper fort sur les retraités actuels en augmentant leur CSG et en désindexant les pensions de l’inflation. La conséquence immédiate, outre le mécontentement d’une partie de l’électorat, a été une hausse de deux mois de l’âge effectif de départ à la retraite qui avoisine désormais les 63 ans. Malgré un rétropédalage, l’objectif avoué du président est de dissuader les Français de partir trop tôt en les pénalisant. Encore faut-il que les séniors trouvent ou conservent un emploi, et là, c’est loin d’être gagné. Si le chômage global recule légèrement, celui des plus de 55 ans, d’un an et plus, est très élevé, au-delà de 60 %. Sous couvert de liberté de choix, la réforme à venir pourrait bien se traduire par un allongement de la durée de cotisation, ou une baisse réelle la pension effectivement perçue. Un casus belli, même pour la CFDT, pourtant si conciliante.