Nostalgie quand tu nous tiens…

On connaît bien ce sentiment de tristesse, lié à des choses passées, provoqué souvent par la perte ou le rappel d’un événement ancien. Il est causé soit par l’éloignement spatial ou l’éloignement temporel comme dans le vieillissement.

Étymologiquement, elle signifie « mal du pays », elle fut considérée comme une émotion ressentie par les soldats du Sussex de Louis XIV au XVIIe siècle, souffrant de l’éloignement de leur pays. Définie au XIXe siècle dans le dictionnaire comme un désir violent de retourner dans sa patrie, son sens s’est depuis élargi pour devenir un sentiment provoqué par des souvenirs liés aux lieux de l’enfance, au regret d’un endroit auquel on a cessé d’appartenir, d’un genre de vie qu’on a cessé de mener. On lui connaît beaucoup de synonymes, le cafard, la morosité, le vague à l’âme, le spleen et plus profondément le mal-être, voire la neurasthénie.

Caractérisée par les formules bien connues « le bon vieux temps », « la Belle Époque », « c’était mieux avant », elle évoque souvent des visions peu objectives du passé, tellement on ne retient souvent que les éléments les plus agréables. Le danger c’est de verser dans le passéisme, qui entraîne un repli, un désir profond de retourner vers les actions du temps passé.

En médecine, la nostalgie est considérée de plus en plus comme un sentiment possible de dépression, d’anxiété, en littérature, nombreux sont les exemples d’ouvrages dont elle est l’âme essentielle, de Proust « à la recherche du temps perdu », à Signoret « la nostalgie n’est plus ce qu’elle était », jusqu’à Amélie Nothomb et sa « nostalgie heureuse », elle ouvre à chaque fois une réflexion intense sur la mémoire du temps.

C’est peut-être à cause d’elle qu’on ne cesse de fêter les anniversaires d’événements passés, historiques ou sociétaux, autant que pour sauvegarder leurs traces. Il y a même une radio dont le fonds de commerce puise dans les chansons du passé, je laisse deviner l’âge du public !

Le regretté Michel Serres, dans un manifeste intitulé : « c’était mieux avant », nous démontre que cette formule n’est pas forcément juste… souvenons-nous, avant, gouvernaient Franco, Hitler Mussolini, Staline, Mao, rien que des braves gens, avant, les guerres et les crimes d’État laissèrent derrière eux des dizaines de milliers de morts… « quand on vit en paix on oublie qu’on vit en paix, tandis que quand on a vécu la guerre on ne peut l’oublier ».

On pourrait multiplier les exemples de tout ce qui n’était pas mieux avant, l’espérance de vie n’était que de 50 ans, les femmes n’avaient pas le droit de vote ni le droit d’avorter, l’homosexualité était un crime…, ce qui ne nous empêche pas de regretter certains paradis perdus, réels ou fantasmés et de faire de la nostalgie un état de compassion envers tout ce qui a subi l’affront du temps.

« Combien de temps l’homme peut-il passer à se rappeler le meilleur de l’enfance ? Et s’il profitait du meilleur de la vieillesse ? À moins que le meilleur de la vieillesse ne soit justement cette nostalgie du meilleur de l’enfance ? » Philip Roth.

À méditer pour les plus de 60 ans !

L’invitée du dimanche

PS Ce billet est dédié à ma grande sœur Poucette pour partager une nostalgie apaisée des jours heureux passés à la Pocterie.