La couleuvre Pompidou

Pompidou une couleuvre ? Quèsaco ? Patience, j’y viendrai tout à l’heure. Emmanuel Macron a rendu depuis l’Élysée un hommage appuyé à l’ancien président Georges Pompidou, à l’occasion du cinquantième anniversaire de son élection, en soulignant les points communs qu’il possédait avec lui et en semblant s’inspirer des principes de son action. De quoi surprendre bien des observateurs, à commencer par moi. En effet, mis à part le fait que les deux hommes sont passés par la banque Rothschild, leur ressemblance ne saute pas aux yeux. Ce qui semble fasciner Emmanuel Macron, c’est que son prédécesseur ait réussi à se faire passer pour un paysan, tout en vivant comme un bourgeois.

Quand on a vécu cette période, de l’autre côté de la barricade, il va sans dire, on ne peut pas affirmer que l’accession au pouvoir de Georges Pompidou, après les années de plomb du général de Gaulle exerçant d’une main de fer un pouvoir sans partage, ait constitué une bouffée d’oxygène. Pompidou a été le pur produit de la revanche de l’establishment qui s’était fait peur avec mai 68 et qui s’est réfugié dans le retour à l’ordre établi. Il s’est opposé à son mentor, De Gaulle, pour la forme, le temps de se faire élire et de continuer de plus belle sa politique inégalitaire, visant à récupérer les avancées arrachées par les syndicats grâce aux accords de Grenelle. Son propre camp ne s’y est d’ailleurs pas trompé, puisque c’est Alexandre Sanguinetti, appartenant à la frange de ce qu’il était convenu d’appeler les « gaullistes de gauche », qui déclarait à cette époque qu’il « avalerait la couleuvre Pompidou », démontrant ainsi à quel point le futur président, alors candidat, symbolisait la partie la plus droitière du mouvement auquel tous deux appartenaient.

Je doute que Georges Pompidou puisse incarner dans le grand public une image de réformateur hardi et moderne, telle que celle qu’Emmanuel Macron aimerait léguer à la postérité. Ce que les Français connaissent éventuellement de l’ancien président, c’est le Centre culturel d’art contemporain, connu sous le nom de Beaubourg, et qui évoque pour eux le symbole d’une usine à gaz dont ils ne perçoivent pas bien l’utilité. Si l’actuel président est lui aussi féru d’art moderne, et que, comme Georges Pompidou, il truffe ses discours de références littéraires, il faut reconnaitre que la culture ne se mange pas en salade et les plus défavorisés de nos concitoyens observent surtout le contenu de leur assiette. Ce qu’ils y voient n’est pas folichon et les portions menacent de s’amenuiser encore avec les réformes à venir.