Reculer pour mieux sauter
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le lundi 3 février 2025 10:16
- Écrit par Claude Séné
« François Bayrou va “probablement” recourir au 49.3 pour faire adopter le budget de la Sécurité sociale, selon la porte-parole du gouvernement ». Vous admirerez au passage la formulation prudente qui équivaut à un conditionnel de la part de l’entourage de celui qui devrait quand même être le mieux informé sur ses propres intentions, le Premier ministre. Et je me propose cependant de faire un pronostic sur la suite des évènements, malgré le flou peu artistique qui entoure les intentions gouvernementales. Comme Blaise Pascal, François Bayrou a décidé d’engager un pari, non pas sur l’existence de Dieu, quoi que, mais sur la détermination des socialistes et celle du Rassemblement national à le pousser vers la sortie.
Appliquant une vieille recette qui veut que l’on ne puisse pas en politique être fâché avec tout le monde en même temps, le Premier ministre a négocié des aménagements avec le PS pour obtenir sa neutralité et donc son abstention sur la motion de censure que ne manquera pas de déposer la France Insoumise lorsqu’il aura annoncé le recours au 49.3 sur le budget de l’état. Michel Barnier avait échoué dans cet exercice en se tournant exclusivement vers le parti de Marine Le Pen. François Bayrou prend donc le risque, qu’il espère calculé au plus juste, de concentrer les oppositions contre lui, avec une liberté de vote laissée aux socialistes par sa direction et une consigne de censure par le RN. Et ses chances ne sont pas nulles, du moins pour cette fois. Il suffit d’entendre Lionel Jospin, ancien premier ministre et candidat malheureux à la présidentielle de 2002, pour comprendre que beaucoup d’opposants résolus au président Macron risquent d’hésiter à censurer son gouvernement pour ne pas porter la responsabilité de la paralysie du système devant les Français, qui sont las de débats interminables et souhaitent une issue rapide sur la question budgétaire.
Sans boule de cristal, je ne peux vous annoncer une stabilité retrouvée durable, mais je parierais bien une piécette pour un sursis obtenu de justesse, qui permettrait à François Bayrou de s’accrocher au pinceau jusqu’à l’été, et la tenue de nouvelles élections législatives qui rebattraient les cartes. Dans cette hypothèse, il s’annonce très difficile de reconstituer une alliance à gauche, après les désaccords stratégiques et de fond au sein du Nouveau Front Populaire, où deux lignes s’affrontent, qui rappellent la thèse des deux gauches « irréconciliables ». Et cependant, une union sera plus que jamais indispensable pour espérer sauver ce qui peut l’être. La question, que pourraient trancher les électeurs, sera celle du leadership des Insoumis que refuse une partie des autres composantes, comme autrefois la rivalité PS-PC qui a débouché sur l’accession au pouvoir de François Mitterrand en 1981.