
Sixième république
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le jeudi 28 août 2025 10:52
- Écrit par Claude Séné

Avons-nous basculé subrepticement dans une sixième république sans même nous en rendre compte ? La cinquième, on connait, ou l’on croit connaitre. Elle est née d’un coup de force, sinon d’un coup d’État, quand les barons de la quatrième ont fait appel à un général pour tenter de mettre fin à des crises politiques chroniques. Ce général, Charles de Gaulle, qui avait brièvement exercé le pouvoir dans le contexte particulier de la fin de la Guerre mondiale et la libération du pays, était alors accueilli favorablement par une France lassée de l’instabilité du pouvoir et voulant se reconnaître dans la Résistance en reniant sa mauvaise conscience collaborationniste.
La cinquième s’est construite autour de la figure idéalisée d’un homme providentiel, auquel on confiait les clés du camion, à charge pour lui d’éviter les sorties de route. Fort de sa popularité de sauveur de la France, de Gaulle pouvait se permettre d’exercer un pouvoir sans partage, tempéré par l’exercice du référendum, qualifié de plébiscite par une opposition muselée et dont il annonçait qu’il serait suivi de sa démission s’il venait à le perdre. Parole tenue en 1969. Malgré tous ses défauts, le régime présidentiel bâti sur mesure pour l’auteur du « coup d’état permanent » comme le désignait un de ses opposants et futur successeur, François Mitterrand, était fonctionnel. Le président présidait et possédait un « domaine réservé » qu’il dirigeait personnellement, et le gouvernement gouvernait. En cas de désaccord avec le pays profond, le Président quittait le pouvoir. Il disposait d’une majorité amplifiée par le mode de scrutin et un découpage électoral savamment calculé pour favoriser le parti présidentiel. En dépit de toutes ces précautions, il est arrivé que l’opposition remporte les élections législatives et que le président veuille aller au bout de son mandat. La règle non écrite, s’inspirant de régimes voisins, a été instituée, d’obliger le président à consulter les partis d’opposition pour qu’ils désignent leur candidat afin de le nommer Premier ministre.
Cette règle implicite n’a pas été respectée par le président en exercice, qui a considéré qu’il était totalement libre de choisir la personne qu’il jugeait la mieux à même de faire le travail, comme s’il disposait d’une majorité, absolue ou relative, pour mettre en œuvre sa politique. La limite de ce raisonnement, c’est bien entendu la difficulté à faire voter des lois, en particulier les lois de finances qui sanctionnent l’usage des fonds publics. Lorsque les élections présidentielles sont découplées des élections législatives, il y a toutes les chances pour qu’elles donnent des résultats contradictoires. L’usage, plus que le droit, donne la primauté au chef de l’état, même si tout porte à penser qu’il ne bénéficie plus de la confiance populaire. S’il ne la demande pas lui-même, il serait nécessaire qu’une procédure de consultation valide ou non son maintien au pouvoir. Mais ce serait alors un basculement dans une sixième république.