Post-vérité

Si l’on en croit le dictionnaire britannique d’Oxford, ce néologisme serait le mot de l’année 2016. Il existe depuis une dizaine d’années déjà, mais il a pris tout son sens et démontré toute sa pertinence à l’occasion de deux évènements majeurs, le Brexit et l’élection de Donald Trump, sur des bases éminemment mensongères. Le camp des opposants au maintien dans l’Union européenne n’a pas hésité à mentir éhontément sur les conséquences de cette sortie, quitte à reconnaître, après le vote, que ses affirmations étaient fausses et qu’il n’avait rien prévu en cas de victoire.

De son côté, le candidat républicain à la Maison-Blanche a multiplié les déclarations fracassantes, sans se soucier de leur vraisemblance ni de leur véracité. Depuis sa désignation, le nouveau président élu passe son temps à corriger ses propres positions et à abandonner une grande partie de ce qui lui a servi de programme pour se faire élire. Le phénomène a gagné la France, comme on peut le voir avec la volte-face du candidat François Fillon, qui, pour remporter la primaire de la droite et du centre, a pris des positions très libérales sur la Santé et la Sécurité sociale, et qui est en train de les renier purement et simplement pour se recentrer et séduire un électorat effrayé par ses propositions extrêmes. De tout temps, les politiciens ont accumulé les promesses sans être certains de pouvoir les tenir. On disait même qu’elles n’engageaient que ceux qui les croyaient. On pouvait aussi soupçonner certains d’entre eux de n’avoir jamais eu la moindre intention de les mettre en œuvre.

Là, un palier a été franchi. Non seulement il s’agit de dire à son électorat ce qu’il a envie d’entendre, mais aussi de changer son fusil d’épaule en fonction du public, du moment, des circonstances, sans se soucier de la cohérence des propositions. On ne s’adresse plus à la raison, mais aux tripes, comme l’a expressément demandé le populiste italien Beppe Grillo. Il s’agit avant tout de raconter une histoire qui pourra toucher un auditoire. Le produit, ce n’est pas le programme, c’est le personnage. C’est dans ce contexte qu’il convient d’apprécier la « performance » d’Emmanuel Macron samedi dernier à la porte de Versailles. Les internautes ont beaucoup raillé « le loup de Wall Street » qui s’est laissé aller dans l’enthousiasme de son premier meeting à hurler à s’en casser la voix pour galvaniser ses troupes. Certes, il ne tiendra pas longtemps à ce rythme-là, et techniquement, sa prestation avec une montée dans les aigus aussi artificielle que désagréable à l’oreille est contre-productive, mais l’objectif de toucher son électorat en « mouillant le maillot », lui, est atteint. Saura-t-il égaler la prouesse de « Super menteur » et tenir sur la durée ? Là est la question.