Une urgence interminable
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le lundi 12 décembre 2016 10:12
- Écrit par Claude Séné
Un des derniers actes du gouvernement actuel devrait être de demander une 5e prolongation de l’état d’urgence jusqu’au 15 juillet 2017, c’est-à-dire après les élections présidentielles et législatives. Ce qui était au départ un dispositif d’exception est en passe de devenir la règle. Au point que l’on peut se demander si un jour il sera possible de se passer de ces dispositions qui restreignent les libertés individuelles et permettent de déroger au droit commun, notamment en matière de perquisition. Ce qui serait une manière insidieuse de modifier l’état de droit sous prétexte de lutte antiterroriste.
Pour justifier cette prolongation, le nouveau Premier ministre fait état de menaces importantes et évoque le nombre de 17 projets d’attentats qui auraient été déjoués. Une information invérifiable, naturellement, mais cependant crédible. Il n’est pourtant pas avéré que l’état d’urgence ait joué un rôle dans la prévention de ces actes criminels. Il est certain que la lutte contre les réseaux islamistes doit être plus intensive que jamais et que la France se trouve, avec d’autres pays occidentaux, du fait de sa participation active à la coalition contre Daesch, en première ligne pour être la cible d’attentats sur son territoire national. Il est à craindre que cet état de fait soit durable pour une longue période. À supposer que le califat islamiste soit démantelé militairement en Syrie et en Irak, ses militants fanatisés ne seront pas pour autant éradiqués et risquent bien de se regrouper en Lybie ou ailleurs, comme Al-Qaïda en Afghanistan ou au Pakistan en son temps. Nous ne pouvons pas attendre l’extinction de toute menace avant un espace de temps indéterminé, mais lointain.
Même si l’effet de l’état d’urgence sur la lutte antiterroriste est essentiellement psychologique et vise à démontrer à la population la détermination des pouvoirs publics, il sera bien difficile de prendre un jour la décision de le lever, au risque de se voir opposer un cinglant revers sous forme d’un nouvel attentat, comme ce fut le cas à Nice. Tout porte à croire que le gouvernement actuel a décidé d’ouvrir le parapluie et de repasser la patate chaude à son successeur, qui a toutes les chances d’être soutenu par l’opposition actuelle. Dans le paquet cadeau de l’héritage, il pourrait bien y avoir également l’évacuation de la zone de Notre Dame des Landes, trop coûteuse électoralement, trop risquée après la mort d’un manifestant à Sivens, trop mobilisatrice d’effectifs de police et de gendarmerie, déjà débordés par le surcroît de travail lié à l’état d’urgence, justement. Dans ce domaine-là comme dans d’autres, il se pourrait bien qu’il soit urgent d’attendre.