La dictature de l’instant
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le vendredi 20 mai 2016 10:31
- Écrit par Claude Séné
Je me dépêche de vous livrer une chronique toute chaude sur le crash de l’A320 d’Egyptair avant qu’une autre catastrophe ne vienne reléguer celle-ci au rang de banal fait divers, juste bon à caler un coin de journal télévisé. Rendez-vous compte, nous sommes quand même rendus au jour d’après, autant dire une éternité, puisque l’avion s’est écrasé en mer, ça on en est à peu près sûr, dans la nuit de mercredi à jeudi. Parce que, à part ça, on nage en plein brouillard, si j’ose dire.
Au point que les plus hautes autorités de l’état, président et ministres en tête, n’ont rien eu de plus pressé que de prendre la parole pour expliquer qu’ils ne pouvaient rien dire. Nous avons eu droit à la formule consacrée selon laquelle aucune piste ne pouvait être écartée et aucune ne pouvait être privilégiée. On ne saurait être plus flou, mais le Moloch de l’information ne peut se satisfaire d’aussi peu. Il lui faut sa ration de commentaires, même s’il doit passer par les hypothèses voire les supputations, invérifiables à ce stade. Nous ne savons toujours pas avec certitude ce qui s’est réellement produit il y a plus de 2 ans avec le vol mh370 de la Malaysia Airlines, disparu mystérieusement quelque part du côté de l’océan indien, mais qu’à cela ne tienne, il nous faut des explications séance tenante sur cette nouvelle catastrophe aérienne.
Heureusement, il y a les experts. Capables de fournir des réponses à toutes les situations, y compris les moins probables et les plus farfelues, vous ne les prendrez jamais à défaut. Et tant pis, ou plutôt tant mieux, s’ils se contredisent, cela donne encore plus de grain à moudre, cela noircit encore plus de papier, cela occupe encore plus de temps d’antenne ou d’espace sur Internet. Alors qu’aucune revendication d’aucune sorte n’a encore été émise sur un possible attentat, les uns et les autres vous expliquent doctement pourquoi la France et l’Égypte ont peut-être été visées spécifiquement. Un autre nous raconte comment des explosifs ont pu être introduits en soute tandis qu’un troisième nous explique pourquoi c’est quasiment impossible. Il en va de même pour toutes les hypothèses, que l’on s’applique à démontrer ou à démolir avant même qu’un début de soupçon ou d’indice ne vienne étayer une thèse ou la contredire. C’est que l’antenne, spécialement celle des chaines d’information continue, a horreur du vide. Il faut donc meubler en attendant qu’une prochaine catastrophe, tremblement de terre ou incendie, vienne remplacer la dernière en date. Cela ne saurait tarder, malheureusement.
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