La messe en latin

Du temps déjà lointain où je faisais mes humanités, j’ai tenté laborieusement de me frotter à la compréhension de cette langue morte appelée le latin. Morte, peut-être, mais bougrement résistante quand il s’agit de l’apprivoiser. À l’époque, la messe était toujours dite en latin, dans le but évident de renforcer le caractère mystérieux et sacré de la cérémonie. Malgré les louables efforts de mes professeurs, je n’y comprenais pas grand-chose, guère plus que le commun des paroissiens. Quand j’essayais de traduire la guerre des Gaules ou l’Énéide, mes copies me revenaient cerclées d’encre rouge, avec des mentions rageuses de « sol ! » ou de « barb ! », parfois soulignées de traits vengeurs.

Si ma mémoire est bonne, le solécisme, faute mineure comparable au péché véniel, consistant à employer un mot pour un autre, ne coûtait qu’un point, tandis que le barbarisme, qui charcutait la langue à la manière d’un péché mortel, valait trois points. L’un dans l’autre, les 20 points qui constituaient le permis de traduire ne résistaient pas très longtemps à l’épreuve, jusqu’à ce que je découvre une excellente traduction de ces ouvrages à la bibliothèque municipale. Et encore, même les traducteurs officiels de Jules César ou de Virgile se voyaient taxer de licence poétique et n’obtenaient pas la note maximale.

Depuis, la messe en latin a pratiquement disparu, si l’on excepte quelques irréductibles traditionalistes, mais le pape François, après un parcours presque sans faute, en a commis une belle, que je qualifierai de barbarisme, au sens étymologique du terme, en absolvant par avance le cardinal Barbarin sans attendre les résultats de l’enquête judiciaire le concernant pour non-dénonciation de crimes pédophiles. Alors que les victimes attendent toujours en vain d’être reçues par le pape, ou à tout le moins qu’il réponde à leurs demandes exprimées par courrier, François a approuvé publiquement l’attitude de l’évêque de Lyon et a trouvé le temps de lui accorder une audience dans un calendrier surchargé. Si l’on reproche au cardinal Barbarin d’avoir « couvert » les agissements de certains de ses curés, que dira-t-on du pape, qui ne fait pas autre chose que de protéger ses subordonnés ? Et qui le couvrira, lui ? Oui, je sais, mais « Il » a peut-être mieux à faire.

En attendant, il est quand même cocasse que le pape François, au lieu de faire le grand ménage de printemps dans sa propre église et d’en balayer le parvis, se mêle de donner des leçons de laïcité à la France. Il me pardonnera de ne pas le considérer comme le meilleur expert en la matière.