Les jolies colonies de vacances

Historiquement, leur origine remonte à 1870 en Suisse, par le placement de 68 enfants dans les fermes protestantes pour des raisons sanitaires. En France, elles sont une conséquence des lois Jules Ferry instituant l’école gratuite, laïque et obligatoire. Pour desserrer l’emprise de l’église et faire adhérer aux idées républicaines, les républicains suivent les protestants et créent des initiatives de vacances. L’objectif est sanitaire, enlever les enfants pauvres et en mauvaise santé des lieux urbains, pour passer quelques semaines… à l’air pur.

Au 19e siècle, le fondateur des colonies de vacances, Edmond Cottinet, y ajoute une dimension éducative, à savoir, faire l’apprentissage du vivre ensemble et de l’autonomie, construire une fraternité qui se diffusera ensuite dans la société. On verra se créer alors une myriade de cellules très politisées, protestants, catholiques, juifs, socialistes, communistes, qui rivalisent pour attirer les enfants.

La mise en place des structures et le fonctionnement des colonies de vacances sont régis par une législation précise contrôlée par le ministère des Sports et de la Culture. Elles s’appelleront CVL à partir de 1973.

On passera de 220 000 colons avant la Deuxième Guerre mondiale, à 4 millions en 1960… grâce au Front populaire qui en 1938 avec les congés payés deviendra aussi le plus grand créateur de colonies de vacances, sous la houlette de Léo Lagrange, sous-secrétaire d’État à la jeunesse. (En 1947, l’État finance 90 % des colonies).

À partir des années 90, le déclin est brutal, le nombre de jours de séjour diminue de moitié ! En cause l’allongement des congés payés des parents qui prennent leurs vacances avec leurs enfants, un repli social sur la famille, une disparition très sensible des infrastructures difficiles à gérer financièrement par les institutions qui les ont mis en place… de nos jours, on est passé de 845 599 départs en 2018-2019 à 471 603 en 2019-2020, en cause entre autres, un prix de séjour moyen trop élevé pour les classes populaires (63 € par jour) et des difficultés de recrutement d’encadrement.

La durée (30 mois) et le coût de la formation pour le diplôme d’animateur (créé en 1946) en découragent plus d’un (de 800 à 1000 €), le salaire moyen brut de 22,55 € est basé sur une présence de 35 heures par semaine, en réalité de 24 heures sur 24 chaque jour !!! Beaucoup trouvent aussi que la responsabilité de la prise en charge d’enfants est très lourde ! Ils étaient 54 800 en 2016, 31 100 en 2020.

Même avec un temps de séjour raccourci, il faut compter de 400 à 600 € pour une semaine. Suivant l’évolution culturelle, l’intérêt est porté sur des séjours à thème supposant des animateurs spécialisés aux salaires plus élevés. On prend en compte des soucis d’exigence individuelle, au détriment de l’approche collective. Les grands comités d’entreprise (EDF, SNCF, Air France) deviennent des clients de colonies de vacances marchandes, et statistiquement ce sont les enfants de cadres qui en sont les bénéficiaires, malgré les aides possibles de la CAF, des mairies, de la JPA, proposées aux enfants de classes moyennes !

 Un peu « remplacées » par les centres de loisirs et les structures d’accueil aux mineurs (ACM), les vraies jolies colonies de vacances retrouveront-elles un jour le sens de leur origine qui a fait leur succès, et leur objectif : permettre aux enfants des classes populaires de partir en vacances ?

 L’invitée du dimanche