La queue du Mickey

Vous vous souvenez ? Je crois que cela existe encore. Les tours de manège sont indémodables et les enfants ne se lassent jamais de ce plaisir simple qui consiste à tourner sur des chevaux de bois, ou bien des véhicules, voiture, moto ou simple vélo, au son des crincrins aux mélodies souvent aussi criardes que les décors de ce petit univers suspendu hors du temps. Des « tours » qui s’étirent dans le temps quand l’affluence est modérée et qu’il faut attirer le chaland, et qui filent à la vitesse de l’éclair quand les clients se bousculent et qu’il faut en profiter.

Malgré l’attraction naturelle pour un jeu qui s’apparente aux jeux de vertige, les propriétaires de ces manèges ressentent généralement le besoin de mettre un peu d’enjeu dans le jeu en proposant à leurs petits clients d’obtenir des tours gratuits histoire de démontrer une feinte générosité. Il leur faut pour cela attraper la queue du Mickey, selon l’expression consacrée, bien qu’elle puisse prendre des formes variées. Cette « queue » est suspendue au-dessus de la tête des enfants et le propriétaire du manège peut la faire descendre ou monter à sa guise, de façon à avantager ou pénaliser les enfants situés sous sa trajectoire. En pratique, selon le bon plaisir du tourneur, chaque enfant peut avoir sa chance, mais c’est lui qui en décide. Parfois, il y a deux gagnants, mais dans tous les cas, c’est évidemment le forain qui ramasse la mise, les tickets gratuits incitant à prolonger l’exercice en tentant une nouvelle fois sa chance.

Je ne sais pas pourquoi, l’attitude du gouvernement sur le sujet délicat des retraites m’a fait penser à ces tours de manège. Alors que la queue du Mickey s’approche et que l’âge de 62 ans voire 60 ans paraît à portée de main des grands enfants que nous sommes restés dans l’âme, hop ! le propriétaire du manège, l’exploitant comme on l’appelle aussi, donne un coup sec sur la ficelle et la promesse d’une retraite heureuse et bien méritée s’éloigne. Ce n’est pas grave ! Comme on dit, après la chute, il faut remonter sur son cheval fut-il de bois et attendre d’avoir fait un tour complet pour retenter sa chance. Mais on voit bien que les dés sont pipés. Si le président a décidé de vous laisser attraper la queue du Mickey, par exemple parce que vous êtes policier, ou mieux encore, soldat, vous pourrez partir plus tôt, et même toucher une solde proportionnelle à partir de 15 ans de bons et loyaux services. Mais si les aléas de la vie ne vous ont pas permis une carrière linéaire et qu’il vous manque des trimestres, vous pourrez toujours vous brosser et pleurer sur les 1200 euros mensuels qu’on vous fait miroiter, pour faire illusion et prétendre que 100 % des gagnants auront tenté leur chance pour les inciter à remettre cent sous dans le bastringue.