Le grand n’importe quoi

La campagne électorale d’Emmanuel Macron a à peine commencé que se profilent déjà toutes les ambiguïtés et toute la confusion inévitable qui s’ensuit entre le président en exercice et le candidat à sa propre succession. Au cours d’un échange avec des sympathisants tout acquis à sa cause, réunis pour l’occasion dans le fief de Karl Olive, le maire de Poissy, Emmanuel Macron a annoncé la suppression de la redevance télé, comme une mesure d’allègement des impôts et une augmentation du pouvoir d’achat des Français. La mesure se discute, et d’autres candidats l’ont également envisagée, mais le problème est ailleurs.

Le porte-parole du gouvernement, interrogé sur le sujet, a indiqué qu’il s’agissait d’un élément de programme du candidat Macron, là où la plupart des Français ont entendu une annonce du président Macron. D’ailleurs, Gabriel Attal va-t-il cumuler le rôle de porte-parole du candidat et celui du gouvernement et donc du président ? Tout cela est d’une extrême confusion, et les ventes de casquettes devraient s’envoler dans les prochaines semaines. Si l’on comprend bien, le temps de parole du candidat Macron ne sera décompté que de l’heure et demie de « réunion électorale informelle » qu’il a consacrée à son exercice favori d’échange à bâtons rompus avec des électeurs déjà convaincus, sans la moindre critique, lui permettant de dérouler à loisir son projet. Car Emmanuel Macron n’aime rien tant que d’affronter la contradiction en position hiérarchique. C’est plus simple que de faire entendre raison à Wladimir Poutine, qui lui sert pourtant tout à la fois de faire-valoir et de repoussoir.

Nous aurons quand même appris quelque chose à l’occasion de ce début de campagne. C’est que le président a bien l’intention d’exploiter au maximum sa position favorable de sortant en pleine crise, en se tenant « au-dessus de la mêlée » comme un certain Charles de Gaulle en a profité pendant son retour aux affaires de 1958 à 1969. Il ne participera donc pas à un débat qui réunirait les 12 candidats retenus officiellement par le Conseil Constitutionnel. Selon Gabriel Attal, un tel débat tournerait inévitablement à la mise en accusation du président sortant, qui ne disposerait que de quelques minutes pour répondre à ses détracteurs. C’est exact. Et c’est d’ailleurs la loi, qui prévoit une stricte égalité du temps de parole dans la période précédant le premier tour. On comprend donc implicitement que cette règle ne convient pas au pouvoir en place, bien qu’il bénéficie déjà d’une « prime à l’exécutif » lui permettant de s’exprimer sur la marche de l’état, bien difficile à démêler des éléments programmatiques. L’actualité géopolitique de la guerre en Ukraine offre au président français une tribune permanente, dont il compte visiblement se servir sans réserve, et sans le moindre scrupule.