Des confinés volontaires

C’est au moment où beaucoup de leurs contemporains se demandent s’ils ne vont pas être contraints de se confiner pour éviter une croissance exponentielle du Covid-19 que 15 volontaires sont descendus de leur plein gré dans une grotte de l’Ariège pour une durée de 40 jours afin d’y mener une expérience scientifique. Ces 8 hommes et ces 7 femmes seront privés de lumière du jour et de tout contact avec l’extérieur, y compris de leurs sacrosaints smartphones. Ils sont âgés de 27 à 50 ans, et l’on peut légitimement se demander si des personnes plus jeunes pourraient se passer de leur doudou numérique.

Mais là n’est pas le sujet de cette expérience, qui devrait permettre de répondre à plusieurs questions telles que la gestion de la désorientation, quand nous sommes confrontés à des situations nouvelles, la question du temps, alors que l’absence d’instruments de mesure et de repères liés au cycle journalier empêche son objectivation, et les phénomènes de groupe, la façon dont l’adaptation individuelle se négocie avec les autres participants. Toutes choses qui ont à voir avec la situation engendrée par la pandémie et la crise sociale et sanitaire qu’elles provoquent. Je suis toutefois surpris que cette expérience soit présentée comme une première mondiale. Il me souvient, comme la plupart des gens de ma génération, de Michel Siffre, un spéléologue et aventurier qui s’est fait descendre à 100 mètres de profondeur, dans le gouffre de Scarasson en 1962 et a passé 2 mois sous terre pour y étudier la notion de temps subjectif, lié à l’horloge interne du corps humain, en l’absence de repères objectifs comme le lever et le coucher du soleil. Le jour « psychologique » de Michel Siffre comptait environ 24 heures et demie, si bien qu’il pensait être le 20 août à sa sortie le 14 septembre. Son expérience sera renouvelée par deux fois par lui-même et une fois par une de ses collègues spéléologues.

Ces expériences de temps intérieur sont assez bien connues maintenant et donnent des résultats très comparables. Ce qui est nouveau, c’est le fait de passer de l’expérience individuelle à celle de groupe. De ce point de vue, nous avons eu des précédents avec la multiplication des émissions de téléréalité, depuis le prototype initial, loft story. Là aussi, des cobayes humains ont été enfermés et privés de contact avec l’extérieur. La moindre de leurs émotions y a été scrutée, comme on imagine que le fera l’équipe de surface, remplaçant avantageusement « la voix », deus ex machina tout puissant. Il y manquera (mais est-ce vraiment une perte ?) la diffusion continue des images, et l’aspect compétition avec l’exacerbation d’un individualisme forcené que proposent les émissions de télévision dans la plus pure tradition des jeux du cirque.