Coups de pouce
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le mercredi 9 décembre 2020 10:42
- Écrit par Claude Séné
Pour une fois, je serai d’accord avec Nicolas Sarkozy, lorsqu’il qualifie les faits qui lui sont reprochés au procès « Paul Bismuth » d’infamie. Il y a là en effet quelque chose d’infamant, au sens strict, qui porte atteinte à la réputation, à être soupçonné et poursuivi pour avoir voulu procurer un avantage à un magistrat en espérant qu’il renvoie l’ascenseur. Ce qui est répréhensible, c’est bien l’acte en lui-même, et non pas le fait de le dénoncer, comme semble vouloir le dire l’accusé, dans une tirade digne de l’« ô rage, ô désespoir » du Don Diègue de Pierre Corneille.
Car l’ex-président revendique haut et fort les faits qui lui sont reprochés, en les qualifiant de « coups de pouce ». En somme, ses lauriers ainsi flétris, et ses travaux guerriers auraient consisté à aider, par pur altruisme, les uns et les autres, sans esprit de retour. Sa vie se résumerait à une longue litanie de services rendus. Et s’il a bénéficié parfois du soutien de ses amis, quoi de plus naturel ? Iriez-vous dénigrer quelqu’un à qui vous devez tant ? En somme, il s’agit donc du procès d’un homme serviable, toujours prêt à rendre service, y compris à son corps défendant, et dont la modestie naturelle l’a contraint à se cacher derrière le pseudonyme de Paul Bismuth. Et l’on voudrait l’expédier en prison pour un simple geste d’entraide ? À moins qu’il ne soit désormais défendu d’aider qui que ce soit ?
Ce qui lézarde quelque peu cette image de l’innocence outragée, c’est la contestation de la procédure des écoutes téléphoniques qui a permis de dévoiler les faits. La défense espère bien que le tribunal va statuer en dernier ressort sur l’illégalité des écoutes et l’irrecevabilité des preuves ainsi réunies, ce qui serait une reconnaissance indirecte de la réalité des faits. À quoi bon contester une démarche qui ne serait pas probante sur le fond ? Le deuxième axe de la défense consiste donc à nier l’existence d’un pacte de corruption entre l’ancien président et le magistrat, ce que les Américains appellent un « qui pro quo », un échange de bons procédés. Autrement dit, les avocats de Nicolas Sarkozy nient que leur client ait fait des démarches pour favoriser une nomination de Gilbert Azibert dans la Principauté de Monaco, qui ne s’est pas confirmée, par ailleurs. C’est oublier un peu vite que l’intention vaut la faute, et que le pacte peut être sous-entendu et implicite sans rien perdre de son caractère délictueux. Reste l’accumulation des affaires qui se succèdent autour de Nicolas Sarkozy. Il veut y voir la preuve d’un acharnement médiatique et judiciaire, là où des observateurs impartiaux décèlent plutôt le retour de bâton d’une carrière vouée aux manœuvres, toujours à la limite de la légalité, et parfois du mauvais côté de la ligne jaune.