Saut à la perche
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le mardi 8 décembre 2020 10:21
- Écrit par Claude Séné
Si vous avez aimé la métaphore de l’aviron*, vous allez adorer celle du perchiste, qui symbolise le défi de franchir des obstacles de plus en plus hauts, à force de technique et d’entraînement. Quand le champion se retrouve seul, que tous ses concurrents ont été éliminés, qu’il a donc déjà gagné le concours, il a le privilège suprême de décider à quelle hauteur placer la barre, s’ouvrant ainsi la voie à battre un record et rentrer dans l’histoire de son sport. Qu’il rate et il retombera dans les oubliettes, mais s’il réussit, il inscrira à jamais son nom sur les tablettes !
C’est donc par péché d’orgueil qu’Emmanuel Macron avait fixé un objectif chiffré pour conditionner le déconfinement souhaité au 15 décembre. Avec une limite de 5 000 cas journaliers de nouvelles contaminations, les spécialistes s’accordent aujourd’hui sur le fait qu’il a placé la barre un peu haut, et que ses chances de franchir l’obstacle avec succès sont faibles, pour ne pas dire nulles, à une semaine de l’échéance. Il va donc devoir choisir entre deux maux. Soit renier sa parole et maintenir un allègement des contraintes, pour ne pas se rendre impopulaire en ruinant les espoirs des Français de profiter un peu des fêtes de fin d’année, soit donner un tour de vis supplémentaire, au risque de ne plus être suivi du tout. C’est ainsi que l’on voit plus d’un perchiste arrêter sa course d’élan avant de planter la perche au pied du sautoir et passer piteusement sous la barre. Alors qu’il aurait suffi, au lieu de claironner qu’il allait battre le record, d’ajuster la hauteur en fonction des évènements. Ainsi aurait-il pu annoncer que le déconfinement serait affiné selon la situation sanitaire, ce qui ne mangeait pas de pain.
Mais le mieux est l’ennemi du bien, c’est bien connu. Ainsi de la convention sur le climat dont les propositions devaient être soumises « sans filtre » au parlement, ou même au peuple tout entier, sous forme référendaire. Cet engagement du président, que nul ne l’avait obligé à prendre, devient maintenant très relatif, et considéré comme une vague promesse. Pire, ceux qui le lui rappellent seraient des intégristes qui auraient pris le melon parce qu’ils ont écrit « un truc », alors que ce ne serait pas parole d’évangile. Faut-il rappeler au président que c’est lui qui a instauré la méthode de désamorçage des conflits sociaux qui consiste à organiser des débats, des tables rondes, des conventions populaires, de la démocratie participative, à laquelle il oppose désormais les institutions représentatives ? Si à chaque occasion il remet en cause les conclusions de ces consultations, ça va finir par se voir. Il semble prêt à remettre ça avec les représentants des policiers, mais est-ce qu’ils marcheront dans la combine ? Encore faudrait-il leur tendre une vraie perche.
*Voir la chronique du 5 décembre 2020 : « Huit de pointe avec barreur »
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