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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le jeudi 3 décembre 2020 10:35
- Écrit par Claude Séné
Emmanuel Macron devrait respecter la volonté de Valéry Giscard d’Estaing de ne pas organiser d’hommage national à l’ancien président décédé hier des suites du Covid 19 à l’âge de 94 ans. Il semble que cette demande ne soit pas un signe de modestie, mais au contraire la marque d’un orgueil, refusant des hommages hypocrites de la part de ses adversaires politiques. Qu’il se rassure, je n’ai pas pour habitude de flatter les gens au seul motif de leur décès.
Il aura survécu de quelques mois à l’un de ses critiques les plus acerbes, Guy Bedos, qui l’appelait le bijoutier, en « hommage » à l’affaire des diamants offerts par le dictateur centrafricain Jean-Bedel Bokassa, dont la révélation par le Canard lui coûtera la réélection manquée en 1981. Quand il arrive au pouvoir en 1974, Giscard D’Estaing est alors le plus jeune président de la République que la France ait connu. Son record, 48 ans, sera battu en 2017 par un certain Emmanuel Macron, à 39 ans. L’un comme l’autre s’appuie sur une majorité improbable, obtenue au centre, en « coupant les deux bouts de l’omelette ». Giscard d’Estaing sera « le cactus » de la majorité gaulliste, provoquant l’échec du référendum de 1969 et le départ du général de Gaulle. Il lui faudra cependant le soutien de circonstance de Jacques Chirac, trahissant le candidat officiel de son propre parti, Jacques Chaban-Delmas, pour être élu en 1974. Il sera à son tour trahi par ce même Chirac, propulsé Premier ministre en récompense de ses « bons et loyaux services », poste dont il démissionnera pour des raisons de tactique politique et d’opportunisme. Les deux hommes se voueront une haine tenace qui ne s’éteindra qu’après leurs décès respectifs.
Le parallèle ne s’arrête pas là. Des premières mesures de Giscard ne ressortent que des réformes cosmétiques, à la limite du gadget, telles que le ralentissement de la Marseillaise. Giscard veut donner l’image d’une République et d’un président moderne, proche du peuple, dont il joue de son instrument symbolique, l’accordéon. Il s’invite chez les Français moyens, tout en gardant l’apparat et le décorum présidentiel. Il conduit lui-même sa voiture, mais il conserve un phrasé aristocratique qui l’écarte du commun. On le créditera cependant de la légalisation de l’IVG, du divorce par consentement mutuel et de l’abaissement de l’âge de la majorité à 18 ans, ce qui est mieux que rien. L’Histoire retiendra-t-elle l’article 24 d’un projet de loi controversé sur la sécurité intérieure ? Rien n’est moins sûr. Giscard aura attendu toute sa vie, qui fut longue, que le peuple de France le rappelle au pouvoir, comme de Gaulle en 1958, ou du moins reconnaisse ses mérites. Un exemple à méditer pour son lointain successeur, qui se pique lui aussi de modernité en s’appuyant sur le ventre mou de l’électorat.
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