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La précarité tue
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le jeudi 14 novembre 2019 10:39
- Écrit par Claude Séné
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Anas était un étudiant de 22 ans, militant syndical, étudiant en Sciences politiques à Lyon 2, qui avait perdu le bénéfice de sa bourse du fait du triplement de sa 2e année de licence. Il a décidé de « commettre l’irréparable » en s’immolant par le feu le 9 novembre dernier. Brûlé à 90 %, son pronostic vital est toujours engagé. Il a voulu faire de son geste un manifeste pour attirer l’attention sur la grande misère qui entoure les étudiants vivant dans des conditions indignes d’une grande nation qui se dit civilisée.
Il a choisi le siège du Crous pour cadre de son immolation, de son sacrifice, qui est tout sauf un geste de désespoir. C’est un acte de dénonciation par lequel il englobe aussi bien le pouvoir actuel que ceux qui l’ont précédé immédiatement ainsi que l’Union européenne, responsable de la grande incertitude sur l’avenir qui pèse sur la jeunesse. À la suite de cet acte fort, des étudiants s’en sont pris au siège du ministère de l’Enseignement supérieur, en défonçant ses grilles, tandis que d’autres empêchaient la tenue d’une conférence de l’ancien Président Hollande et déchiraient ses livres. Cela a suffi à certains pour dénoncer une violence soi-disant insupportable. Que dire alors d’un système qui considère qu’une bourse de 450 euros par mois, même pas le prix d’un loyer dans certaines grandes villes, est suffisant pour vivre, voire encore trop puisqu’on pouvait envisager de ponctionner 5 euros d’APL ? Pour beaucoup d’étudiants, ceux qui n’ont pas la chance d’être soutenus par une famille aisée, le choix se résume à suivre les cours en crevant la dalle, ou travailler pour des clopinettes en risquant d’échouer à leurs examens. Sans parler du montant ridiculement bas consacré à la nourriture par la plupart des étudiants, notamment les 20 % qui vivent en dessous du seuil de pauvreté ou des soins médicaux auxquels ils doivent renoncer pour des raisons financières.
Je crois savoir que le gouvernement prend l’affaire très au sérieux, malgré l’absence malencontreuse de la ministre chargée du dossier. Une telle situation peut très vite dégénérer. On se souvient du retentissement de l’immolation par le feu de Jan Palach sur la place Venceslas en 1969 à la suite de la répression violente du mouvement de libéralisation de la Tchécoslovaquie de l’époque, connu sous le nom de Printemps de Prague. Plus près de nous, en décembre 2010, c’est le suicide de Mohamed Bouazizi, ce marchand ambulant persécuté par la police qu’il n’avait pas les moyens de corrompre, qui mettra le feu aux poudres du « printemps arabe » en Tunisie. L’état doit se garder de donner des martyrs aux révolutions s’il veut se maintenir au pouvoir. Ce gouvernement a déjà frôlé la correctionnelle au plus fort de la crise des gilets jaunes. Il ne peut pas se permettre un nouveau dérapage.