Mouvements souterrains

Je dois avouer que je n’ai pas pris immédiatement la mesure de l’ampleur du séisme qui s’est produit dans la région de Montélimar le 11 novembre dernier. À ma décharge, les autorités et les médias ont tout fait pour me rassurer en m’expliquant qu’il s’agissait d’un tremblement de terre « modéré », qui n’avait occasionné que des dégâts matériels de faible importance et que la sécurité des deux centrales nucléaires de la zone concernée n’était en rien affectée par le phénomène. Cela seul aurait dû me mettre la puce à l’oreille.

Progressivement, nous avons appris que plusieurs centaines d’habitants avaient été affectés, qu’une quarantaine de maisons était touchée, que quelques personnes avaient été blessées, dont l’une grièvement, par la chute d’un échafaudage, et qu’une des centrales nucléaires proches de l’épicentre avait dû être arrêtée par « précaution ». Les écoles étaient également fermées jusqu’à nouvel ordre, et signe ultime de la gravité de la situation, le ministre de l’Intérieur faisait le déplacement pour montrer sa solidarité et celle de l’état. C’est que le gouvernement n’a plus les moyens d’ignorer superbement tout ce qui affecte quotidiennement les Français. Qu’il s’agisse de catastrophes naturelles ou de mouvements sociaux, tout indique que la situation est instable et que le feu couve sous la cendre. Le mouvement des gilets jaunes fête son premier anniversaire, et si aucun débouché politique n’a été trouvé pour cette vague de protestation qui refuse de se laisser embrigader par une hiérarchie, cela n’en est que plus inquiétant. La France n’est pas à l’abri de répliques de ce séisme social qui a soulevé le pays l’hiver dernier pour ne plus s’éteindre complètement depuis, et le gouvernement le sait bien.

D’autres plaques tectoniques sont en train de bouger, et les conséquences en sont totalement imprévisibles. La plus visible concerne la réforme des retraites, qui reste en travers de la gorge de nombreux salariés, craignant d’y perdre gros. La situation de l’hôpital et des urgences, partie émergée de l’iceberg, est tous les jours plus dramatique. Et voilà que l’immolation par le feu d’un étudiant à Lyon remet en pleine lumière la détresse et la misère d’une bonne partie de la jeunesse, celle-là même qui fait des études malgré des conditions matérielles et morales indignes d’un grand pays développé, le cœur de cible des futurs premiers de cordée visés par En Marche. Le tremblement de terre aura eu le mérite de nous démontrer que notre quiétude n’était due qu’à notre ignorance du danger. Dans ce cas précis, on mesure combien les mesures de prévention ont été sous-évaluées pour donner la priorité au rendement économique. Le président et son gouvernement devraient prendre conscience du danger social et revoir leur politique avant d’être soumis à une éruption dévastatrice.