Au revoir là-haut

Au revoir là-haut, c’est d’abord un formidable roman de Pierre Lemaître, qui a obtenu en 2013 un prix Goncourt mérité. C’est aussi le titre du film d’Albert Dupontel qui en a été tiré en 2017, et qui a réussi le pari d’adapter le roman sans le trahir, de mettre des images là où chacun avait les siennes en lisant le livre, un exercice souvent périlleux. Il raconte l’histoire de deux rescapés des tranchées de la Grande Guerre, dont l’un est une authentique « gueule cassée », au sens littéral du terme, obligé de dissimuler son visage sous un masque pour ne pas effrayer la population.

La campagne de publicité de la Française des jeux diffusée actuellement sur les écrans de télévision fait une référence explicite au livre et au film. En 45 secondes, le spot de la FDJ revient habilement sur l’histoire de cette institution créée en 1933, d’où son titre, « Origines », en vantant les mérites de cette loterie, dont les bénéfices seraient affectés à de nobles causes, telles que la préservation du patrimoine, la promotion du sport ou l’égalité des chances devant l’emploi. Ce spot fait suite à de nombreuses campagnes promotionnelles dont le point commun est de miser sur l’humour et il faut reconnaître que 100 %, ou peu s’en faut, des publicités ont atteint leur but. On se souvient des gagnants lassés de retourner sempiternellement en Australie par le hasard d’un tirage au sort sur la mappemonde à l’aide d’une fléchette.

Mais le talent des publicitaires ne doit pas nous faire oublier que cette fois-ci il est au service d’un mauvais coup, puisqu’il s’agit d’aider à l’une des plus grandes braderies de l’état français, la vente à l’encan d’une entreprise nationale très rentable. Comme avec les autoroutes ou l’aéroport de Paris, l’état, c’est-à-dire nous tous, va se priver d’une source de revenus non négligeable, pour un profit immédiat, mais très limité. L’argument selon lequel une activité lucrative ne serait pas du ressort de l’état se réfère à un concept bien connu, prôné par les ultralibéraux, de « privatisation des bénéfices et nationalisation des déficits ». Si l’état n’a pas vocation à organiser des jeux de hasard, il fallait y penser avant. La ficelle est désormais un peu grosse. Si le principe même de ces loteries me paraît contestable, faisant miroiter une réussite due au seul hasard pour compenser un présent difficile, on ne peut pas nier qu’elles existent et que les Français en redemandent. Je n’oublie pas non plus que les anciens « poilus » d’Au revoir là-haut avaient monté une escroquerie gigantesque pour tenter de s’en sortir. Il ne faudrait pas que nous soyons les nouveaux dindons d’une farce destinée à engraisser d’autres profiteurs.