Bien le bonjour

M. de La Fontaine, que vous me semblez beau, si votre ramage s’accorde à votre plumage, vous êtes le fabuliste le plus célèbre du XVIIe siècle !

Après vous avoir enchanté comme une cigale (je l’espère) l’été dernier, avec la vision des femmes de nos plus grands dramaturges classiques, je vais vous faire danser avec celui qui complète ce panel prestigieux, Monsieur Jean de La Fontaine lui-même, justifiant la formule mnémotechnique célèbre pour jeunes écoliers : une corneille perchée sur la racine de La Bruyère Boileau de La Fontaine Molière.

S’inspirant très largement des fabulistes de l’Antiquité gréco-latine, Jean de La Fontaine n’a pas écrit moins de 240 fables en trois recueils, plus des contes et des nouvelles. Ayant une visée morale, il remplace souvent les hommes par des animaux, dont la symbolique ne nous échappe pas, le lion, le loup, la chèvre, la cigale, la fourmi, le rat… il lui est arrivé quelquefois de mettre en scène directement les humains, c’est le cas dans Perrette et le pot au lait, la femme noyée, l’homme entre deux âges et les deux maîtresses, les femmes et le secret par exemple. Ce n’est pas par hasard si je choisis ces fables, c’est pour achever mon propos de l’été dernier par des exemples où le fabuliste exprime sa vision des femmes. Vision qui diffère beaucoup de celle de Molière par exemple, où elles se montraient féministes avant l’heure !

Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’on y trouve une misogynie évidente, sous des apparences galantes éventuellement.

Perrette est l’illustration du manque de réalisme, de l’inconséquence, même si la morale est adoucie par une généralisation « qui ne bat la campagne, qui ne fait châteaux en Espagne ». « La femme noyée », que son mari doit rechercher à contre-courant du fleuve où elle a disparu s’il veut la retrouver « car l’esprit de contradiction l’aura fait flotter dans l’autre sens » « l’humeur contredisante est le défaut du sexe et sa pente ». « L’homme entre deux âges et les deux maîtresses » est confronté à des femmes cupides, rusées, tentatrices, si bien qu’il vaut mieux s’en passer ! Dans « les femmes et le secret », le ton est donné dès l’entrée « rien ne pèse tant qu’un secret, le porter loin est difficile aux dames, et je sais même sur ce point bon nombre d’hommes qui sont femmes » même si encore la critique est adoucie en s’appliquant aussi à quelques représentants masculins, histoire de noyer un peu le poisson, chaque fois, les femmes sont naïves, bavardes et peu fiables.

Pour les billets à venir, dans les fables que je retiendrai, on y retrouvera des images féminines, mais elles ne seront pas le centre de mon intérêt, qui sera de montrer l’universalité et l’actualité des morales si bien développées dans chaque fable, avec tant de talent. Un talent qui mérite qu’on pardonne à M. de La Fontaine ses critiques de la nature féminine, qui sont, elles aussi, hélas, universelles, misogynie n’est pas morte.

L’invitée du dimanche