Argent trop cher

C’est en substance la réponse du secrétaire d’État chargé de la fonction publique, Olivier Dussopt, aux syndicats qui lui demandaient de faire un geste en faveur des agents au service de l’état, des hôpitaux et des collectivités locales. Le gouvernement, si généreux avec l’argent des autres quand il s’agit d’octroyer une prime de fin d’année aux frais des entreprises, se révèle comme d’habitude très pingre avec ses propres deniers. Aucune surprise donc dans cette fin de non-recevoir, mais la confirmation que le gouvernement continue à pratiquer le « faites ce que je vous dis, mais pas ce que je fais ».

Ce qui est nouveau, c’est l’argumentaire employé par le ministre, dont on ne sait pas s’il s’agit de vraie naïveté ou de cynisme absolu, quand il déclare que verser une prime aux fonctionnaires aurait un coût exorbitant alors que chaque personne concernée n’en tirerait qu’un gain très faible. On ne peut que le remercier de la sollicitude avec laquelle il prend soin de notre argent, et juge de ce qui est légitime, comme le salaire qu’il touche personnellement pour la charge qui lui a été confiée, et de ce qui ne l’est pas, comme accorder un salaire décent aux millions de fonctionnaires, notamment ceux qui sont au bas de l’échelle, et ceux qui subissent un temps partiel contraint, qui sont souvent les mêmes. Faut-il lui rappeler que cet argent « de dingue », que Bercy l’empêche de dépenser pour établir un semblant de justice sociale, il n’en est que le gestionnaire ? Ce sont les Français, par leur travail, qui l’ont gagné, et contrairement aux idées reçues, les fonctionnaires paient très cher leur sécurité de l’emploi. Une notion d’ailleurs en voie de disparition puisque les gouvernements libéraux, et notamment celui-ci, s’acharnent à la démanteler en recrutant de plus en plus au régime de droit privé les futurs agents des collectivités.

La carotte avancée pour faire passer la pilule est toujours celle d’une meilleure rémunération, promesse sans cesse remise aux calendes. La valeur du point d’indice restera gelée en 2019, comme les années précédentes, les salaires ne suivant même pas le rythme de l’inflation. L’image du grand public est faussée par la perception des salaires des hauts fonctionnaires, qui peuvent être très confortables, quand la masse des agents de la fonction publique est mal payée. Alors que le ministère de l’Intérieur a reçu le feu vert pour négocier avec les syndicats de policiers, l’affaire étant pliée en une seule réunion, le refus ferme et définitif de toute prime ou augmentation en faveur des fonctionnaires aura été aussi rapide et expéditif. S’il continue dans cette voie, le gouvernement pourrait accomplir l’exploit de se fâcher avec toutes les catégories sociales en même temps, une performance réputée impossible, dont les conséquences pourraient être imprévisibles.