La république des sondages

Le phénomène n’est pas nouveau, mais il s’amplifie. Le discours présidentiel de lundi soir avait pour objectif principal de pouvoir faire état d’une adhésion populaire et du réveil de ce que l’on a coutume d’appeler la majorité silencieuse. L’Ancien Monde, et en particulier le gaullisme, a souvent fait appel à cette notion qui lui permettait de prétendre gouverner le pays sans partage, y compris quand sa politique inégalitaire avait jeté la moitié de la population dans la rue en mai 1968. Publiés ou non, commandités par le pouvoir ou par des médias non dénués d’arrière-pensées, les sondages servent de baromètre et parfois de boussole à ceux qui nous gouvernent.

Ne cherchez pas plus loin l’explication au discours étrangement bienveillant des dirigeants à l’égard des gilets jaunes. Tout en condamnant les violences, ce qui est bien le moins, le pouvoir n’a cessé d’affirmer « comprendre » les « justes revendications » et la « colère légitime » des protestataires, tout en tentant d’en dévier la responsabilité sur ses prédécesseurs. Tant que les gilets jaunes recueillaient le soutien de trois quarts ou davantage de la population, ils étaient intouchables. C’est pourquoi le sondage commandé à Odoxa par le Figaro après l’allocution d’Emmanuel Macron revêtait une importance particulière. Chacun dans son coin a pu être convaincu ou non de la pertinence des mesures annoncées par le chef de l’état, mais c’est la prise en compte globale qui sera déterminante. D’où la bataille autour des chiffres et leur interprétation. Quand France soir titre : « Macron convainc en apparence » tandis que Le Télégramme annonce : « les annonces de Macron n’ont pas convaincu les Français », les deux organes de presse disposent exactement des mêmes informations. Et il ne s’agit pas de journaux d’opinion, encore moins militants. Quant au Figaro, commanditaire du sondage, il préfère mettre l’accent sur « l’effritement » du soutien aux gilets jaunes, alors qu’il reste élevé et majoritaire puisque 54 % souhaitent la poursuite de la contestation.

De façon insidieuse, mais non dénuée d’habileté, le sondeur interroge les Français sur les mesures annoncées par le Président. Prises séparément, ces mesures sont approuvées par une majorité plus ou moins importante. On peut même s’étonner qu’il n’y ait pas l’unanimité sur des décisions en faveur des plus démunis, sauf à considérer qu’elles ne vont pas assez loin. Comme si les personnes interrogées avaient compris confusément qu’on essayait d’obtenir leur approbation à des fins de manipulation de l’opinion. Si vous me demandez si je suis favorable à une prime de 100 euros pour les smicards, je ne vais pas vous dire non, bien entendu, mais je serais encore plus favorable à une augmentation globale des bas salaires, pérenne et qui compte dans le calcul de la retraite. Mais ça, ce n’est pas à l’ordre du jour.

Commentaires  

#1 jacotte86 12-12-2018 11:32
ce 4eme pouvoir sur lequel je comptais récemment me déçoit … manque de lucidité ou incompréhension des malaises exprimés après tout les journalistes ne sont pas vraiment concernés par les revendications du petit peuple , en tout cas plus que jamais le 5éme pouvoir doit s'exprimer encor e et encor
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