Histoires de rhinocéros
- Détails
- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le mardi 11 décembre 2018 10:18
- Écrit par Claude Séné
Comme vous le savez probablement, le rhinocéros n’a pas toujours eu ce cuir tanné et cet air renfrogné qui le caractérisent. Et c’est Rudyard Kipling qui nous raconte comment le rhinocéros a acquis sa peau dans ses « histoires comme ça ». Il y a bien longtemps, le rhinocéros avait une peau lisse comme vous et moi. Enfin, surtout vous, parce que moi, les années passant, je n’ai pu échapper à la ride véloce qui guette tout un chacun. Le rhinocéros étant gourmand, il s’était emparé d’un gâteau que le grand chef cuistot indien avait confectionné pour son usage personnel.
Or, un jour de canicule, le rhinocéros avait ôté sa peau, qui à l’époque s’attachait sous le ventre à l’aide de trois boutons, pour aller se rafraîchir. Le chef décida de se venger en en parsemant l’intérieur de miettes de gâteau dont il faisait abondante consommation. Quand le rhinocéros renfila sa peau, elle se mit à le gratter furieusement, ce qui le poussa à se rouler par terre et à se frotter afin de calmer ses démangeaisons. En vain. Les trois boutons sautèrent, la peau se plissa et se durcit et le rhinocéros garda pour toujours sa mauvaise humeur. Pourquoi a-t-il encore l’air en colère à présent ? À cause des miettes sous la peau qui l’irritent profondément. Cette histoire s’applique parfaitement à l’actualité. Les gilets jaunes réclament une part du gâteau qu’accaparent les nantis grâce au chef qu’ils ont choisi. Celui-ci leur a accordé « généreusement » des miettes qu’il a glissées subrepticement sous leur gilet et qui les grattent plutôt que d’assouvir leur faim. La canicule, c’est évidemment une conséquence du dérèglement climatique, dont personne ne semble plus se soucier et le mécontentement ne fait que croître et embellir. Et que fait un rhinocéros piqué au vif ? Il charge, droit devant lui.
Il ne reste plus au grand chef qu’à grimper tout en haut d’un arbre, à moins qu’il ne décide de tirer sur le rhinocéros, qui n’a, comme chacun sait qu’un seul point vulnérable, son œil. Il lui faudra alors lui apporter chaque matin pendant une semaine un beau chou bien pommé dont l’animal est friand, afin de l’appâter. Et le 7e jour, au lieu de se reposer, lui offrir un minuscule chou de Bruxelles, afin que le rhino, vexé, lui déclare : « ça, un chou ? Mon œil ! » en désignant son globe oculaire et qu’il ajuste soigneusement son objectif d’un coup de fusil bien placé. Une méthode bien rodée sur un rhinocéros isolé, mais inefficace contre un troupeau entier qui semble avoir choisi sa cible et ne pas vouloir s’arrêter avant d’avoir une vraie part du gâteau. Mais ceci est une autre histoire…