Faux amis
- Détails
- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le samedi 5 août 2023 10:35
- Écrit par Claude Séné
Les policiers, qui avaient eu l’impression d’être soutenus inconditionnellement par leur hiérarchie après les « affaires » où certains des leurs ont été mis en cause, ont dû déchanter. En effet, le directeur général de la Police nationale, Frédéric Veaux, et le préfet de police de Paris, Laurent Nuñez, qui avaient fait des déclarations publiques de solidarité avec ceux qui demandaient un statut spécial les préservant d’être mis en détention provisoire en aucune circonstance, ont publié deux notes de service internes, indiquant leur volonté de pouvoir décider du bien-fondé des arrêts de maladie touchant les fonctionnaires de police placés sous leur autorité.
Avec des amis comme ceux-là, les policiers n’ont pas besoin d’ennemis. Dans le même mouvement, ces faux amis réussissent à insulter et disqualifier en même temps deux professions parfaitement honorables et nécessaires : les policiers, accusés d’être des tire-au-flanc atteints de maladies imaginaires, et les médecins, qui se rendraient coupables de délivrer des certificats de complaisance pour faire plaisir à cette clientèle particulière. La formulation est d’ailleurs très éclairante. Les deux hauts fonctionnaires se basent sur un constat, « le nombre important et inhabituel » d’arrêts, qui nuit gravement au fonctionnement normal de la police nationale. Ils se réservent donc le droit de refuser ces arrêts de maladie, comme s’ils possédaient la moindre compétence médicale. Faut-il rappeler que, comme tout employeur, l’État-patron dispose du droit de demander une contre-expertise de l’état de santé de ses salariés, mais que ses prérogatives s’arrêtent là ? En aucun cas, il n’est habilité à évaluer lui-même la validité d’un examen pratiqué par du personnel compétent, couvert par ailleurs par le secret médical.
Ce qui est sous-entendu par cette réaction du pouvoir, c’est que les policiers, qui ne disposent pas du droit de grève, sont tentés de contourner cet état de fait, en pratiquant une protestation pouvant prendre deux formes. D’une part, une sorte de « grève du zèle » qui se traduit par une résistance passive, où les policiers assurent un service minimum, mais ne prennent aucune initiative, et d’autre part le recours à un arrêt de travail qui serait de pure convenance. La meilleure preuve de cette analyse consiste dans la sanction prévue par la hiérarchie : la retenue sur salaire, laissant croire à une action opportuniste et intéressée des policiers concernés. Là aussi, le vocabulaire a son importance. La hiérarchie affirme que des policiers « se sont mis en arrêt », ce qui est impossible juridiquement. Elle rappelle que les policiers sont « soumis à des obligations particulières de disponibilité, de durée d’affectation, de mobilité et de résidence » et inverse la charge de la preuve. Selon un arrêt récent du Conseil d’État, il reviendrait au salarié de justifier de la réalité incontestable du motif médical. Une suspicion intolérable, qui dépasse largement le cas particulier des fonctionnaires de police.