Les vieux pots
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le lundi 24 octobre 2022 10:53
- Écrit par Claude Séné
C’est, parait-il, dans ces vieux récipients que l’on fait les meilleures soupes. Cela reste à démontrer, aussi bien pour le sens propre que dans l’usage métaphorique de l’expression. C’est ainsi que nous sommes abreuvés régulièrement des prises de position de personnalités qui ont eu leur heure de gloire et exercé des responsabilités importantes. On y trouve, pêle-mêle, d’anciens premiers ministres comme Dominique de Villepin, une ancienne candidate à la présidence de la République en mal de notoriété, et même d’anciens présidents qui affectent d’être au-dessus de la mêlée tout en prétendant au statut de vieux sage prêt à rempiler en cas de besoin.
C’est ainsi que Nicolas Sarkozy, malgré ses échecs répétés pour revenir au premier plan dans sa famille politique, a généreusement dispensé ses conseils dans une interview accordée au Journal du dimanche et publiée hier. On sait que l’ancien président ne cache pas son soutien au nouveau locataire de l’Élysée depuis qu’il a été élu. Il va plus loin en lui conseillant de faire une alliance avec le groupe les Républicains à l’Assemblée nationale, afin d’obtenir une majorité de circonstances grâce à une coalition. Au passage, il pousse Emmanuel Macron à assumer sa politique de droite, ou de centre droit, dont chacun sait qu’elle n’a de centriste que le nom. Sur ce point, Nicolas Sarkozy n’a pas tort. Si le président actuel faisait son coming out politique, cela aurait au moins le mérite d’une clarification vis-à-vis de l’opinion, qui n’est plus dupe depuis longtemps du soi-disant en même temps, qui se traduit par ni gauche, ni gauche sur le terrain. Cette position se heurte cependant à quelques détails, qui mettent à terre la construction laborieuse de l’auteur de cette stratégie.
Premièrement, Nicolas Sarkozy n’est pas en capacité de décider de la ligne de son ancien parti, même s’il se targue de garder une influence et qu’il s’imagine toujours en faiseur de rois. Aucun des quatre prétendants déclarés à la présidence des Républicains ne se réclame officiellement de son parrainage, et un seul, le moins connu, accepterait éventuellement un rapprochement avec la majorité actuelle. Nicolas Sarkozy néglige aussi le fait que le parti qui l’a soutenu en son temps n’est plus que l’ombre de lui-même depuis la déroute de François Fillon puis de Valérie Pécresse, et qu’il est traversé par des tensions contradictoires, où ne se dégage pas une ligne politique claire. Éric Ciotti, que l’ancien président se refuse à critiquer, défend un rapprochement avec l’extrême-droite, y compris avec Éric Zemmour, tandis que Bruno Retailleau refuse l’héritage sarkozyste, un passé devenu un passif. Malgré ses dénégations, l’ex-président n’a pas renoncé à jouer un rôle dans les affaires du pays. Pour lui, comme beaucoup d’autres, la politique est une drogue dure dont il lui est difficile de se passer. Il lui faudra pourtant se contenter de ce produit de substitution que sont les séances de dédicace qui lui donnent l’illusion de compter encore pour le public.