C’est celui qui dit qui y est

Ce serait pitoyable si ce n’était dramatique. Après la destruction partielle du pont qui relie la péninsule de Crimée annexée unilatéralement par la Russie depuis 2014, qualifiée d’acte terroriste et attribuée aux services secrets ukrainiens, Vladimir Poutine a essayé de sauver la face avec un double langage que seuls ses partisans accepteront de croire. Il a tenté à la fois de minimiser ce camouflet sévère, qui aura des conséquences sur l’approvisionnement en armes et en fournitures de l’armée d’occupation, en prétendant que les réparations seraient rapides, dans une sorte de « même pas mal » digne de la cour de récréation, et en essayant de riposter en infligeant de gros dégâts à l’Ukraine.

Malheureusement pour lui, l’armée russe n’est pas en état de remporter des victoires militaires sur le terrain et de reprendre les territoires qu’elle a dû abandonner devant la contre-offensive ukrainienne. Poutine a déjà perdu la guerre de conquête et il le sait. Il avait changé de stratégie en constatant qu’il ne pouvait pas occuper la capitale ni renverser le régime de Volodymyr Zelenski, plus populaire que jamais. Mais son armée est contrainte de reculer sur tous les fronts et même la Crimée, sanctuarisée par l’autocrate russe n’est pas à l’abri. Il a donc recours à une arme qui lui reste, celle des missiles, que l’on peut tirer de loin, tant que le stock le lui permet. Il prétend viser des sites militaires ou stratégiques, mais dans la réalité, ce sont les populations civiles qui sont touchées. Nous ne sommes pas très éloignés de la politique de la terre brûlée avec l’objectif de détruire et de terroriser, à défaut de pouvoir remporter des batailles et encore moins la guerre. Le terroriste d’état, c’est bien Poutine qui désigne la paille que représenterait la destruction de « son » pont, en négligeant la poutre des frappes aériennes aveugles sur la capitale ukrainienne et les grandes villes du pays. Il s’agit bel et bien de crimes de guerre, dont il devrait avoir à répondre un jour.

Les charges transportées par les missiles sont conventionnelles et Poutine a pris soin de préciser que l’attaque du pont ne justifiait pas l’utilisation de munitions nucléaires. Cela peut s’interpréter de deux façons, au moins. D’une part, qu’il aurait pu, s’il l’avait décidé, déclencher l’apocalypse malgré les avertissements des États-Unis. Ou bien qu’il garde cet atout dans sa manche, en dernier recours, et en désespoir de cause. Il tiendrait ainsi compte de la déclaration américaine, qui lui promet une riposte conventionnelle massive en cas d’utilisation d’une arme nucléaire, quelle qu’elle soit. De leur côté, les Ukrainiens ne semblent pas découragés par ces nouvelles frappes aériennes. Ils demandent un renforcement de leurs capacités à se défendre de cette menace. Leurs missiles antimissiles ont déjà intercepté environ la moitié des tirs de la première vague, malgré l’effet de surprise, et le moral de la population, ainsi que sa détermination, semblent intacts.