Dialogue social de sourds
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le mercredi 12 octobre 2022 11:03
- Écrit par Claude Séné
Selon Élisabeth Borne, qui clamait encore dimanche dernier depuis l’Algérie où elle était allée conclure des accords commerciaux, que la situation de l’approvisionnement des stations-service allait se résorber rapidement, il est désormais nécessaire de réquisitionner les salariés grévistes pour les obliger à remettre en route les raffineries et les dépôts de carburant. Après avoir abandonné la méthode Coué, elle a donc opté pour la manière forte, au motif qu’« un désaccord salarial ne justifie pas de bloquer le pays ». Fort bien. Et au nom de quoi ce seraient les salariés qui devraient renoncer à leurs revendications, que la plupart des Français trouvent justifiées, pour arrondir encore le pécule distribué aux actionnaires ?
Si l’état intervient dans le dialogue social, il ne serait que justice qu’il ne soit pas en même temps juge et partie. Or, ce gouvernement comme la plupart de ceux qui l’ont précédé tranche toujours du côté du plus fort, le grand patronat, et ne se montre ferme qu’avec les plus faibles. Il participe d’une campagne de désinformation qui vise à priver les salariés d’un de ses seuls leviers dans les discussions sur les salaires et les conditions de travail, le droit de grève. Il est garanti par la Constitution, mais l’idéal de certains politiques de droite serait de le vider de sa substance, de façon à pouvoir affirmer comme Nicolas Sarkozy en 2008 que « désormais, quand il y a une grève en France, personne ne s’en aperçoit ». La direction de Total énergies prétend, la main sur le cœur, être prête à négocier à condition que la grève soit arrêtée, sans aucune garantie pour les salariés. Le patron de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises, François Asselin, a appelé à la réquisition des grévistes, en les accusant à de nombreuses reprises de vouloir « prendre le pays en otage », un argument sempiternel, qui masque mal son dépit de devoir supporter un interlocuteur discutant d’égal à égal au lieu de se montrer reconnaissant des miettes octroyées sur un gâteau partagé par les ultra-riches.
Tous les moyens sont bons pour essayer de discréditer les mouvements sociaux. Les employés de la branche pétrolière sont présentés comme des nantis, bénéficiant d’une convention collective avantageuse, en négligeant le fait que l’inflation a grignoté leur pouvoir d’achat comme celui de tous les autres. Comme souvent, ce sont les salariés placés à des endroits stratégiques qui peuvent peser sur les décisionnaires, alors que la masse des travailleurs précaires, encore plus exploités, reste impuissante. Bien que gênés par la pénurie de carburant, la plupart des Français n’ont pas l’air de rejeter la faute sur les salariés, et ils ont raison. Total, notamment, s’est gavé sur les conséquences de l’augmentation des prix des produits pétroliers, et cette réalité reste imprimée dans l’inconscient collectif.