Place au sérieux

Même si l’humour nous permet de nous évader de la triste réalité, nous faisant prendre un peu de distance par rapport aux drames divers qui secouent la planète, nécessité est de se confronter un jour à la réalité !

À suivre le fil rouge de mes billets de l’été, qui n’avaient pour but que de vous distraire, je me suis aperçue que j’avais « loupé la rentrée ». Je m’étonne d’avoir été aussi déconnectée de cet événement qui pendant 37 annuités et demie a réglé ma vie professionnelle aussi bien que personnelle.

Toujours ponctuelle, toujours ravie de retrouver mon poste, quels que soient le lieu et les fonctions où je devais exercer, je n’en ai raté qu’une seule, devant respecter une éviction pour cause de coqueluche !!!

Au moment où l’on débat sur la réforme des retraites, je me souviens de ce matin de septembre 1997, premier jour de ma retraite. Ce jour-là, où j’ai réalisé que je ne serai plus jamais définie comme un membre de la grande famille des enseignants, qu’il me fallait me reconstruire une identité sociale, que nulle part personne n’attendrait mon enseignement. Lâchement, pour repousser le moment d’affronter cette espèce de vide que l’absence du travail venait d’ouvrir, je suis allée visiter Rome ! Bien m’en a pris, je suis revenue avec des projets et avec l’envie de profiter de ce temps qui échappait à la mise en place de cadrages rigoureux !

Ce spleen que j’ai connu était un sentiment de « riche », accordé à celles et ceux qui ont la chance de trouver dans leur travail, épanouissement et reconnaissance. Un trop grand nombre de travailleurs ne connaissent pas ce bonheur et attendent avec impatience le moment de la fin de cette torture qu’est pour eux le travail. On espère tous pouvoir profiter en pleine forme de cette approche différente du temps, des loisirs, mais souvent la nature en décide autrement, et les problèmes de santé viennent contrecarrer les projets, les désirs de changement, quand ne s’y ajoutent pas en plus les difficultés matérielles devant la maigreur des pensions !

Dans les dimanches qui vont suivre, j’essaierai de sonder l’âme humaine avec ses noirceurs comme avec ses générosités, et ce billet se voulait une transition entre le sourire et la gravité.

J’ai rattrapé mon ratage, car ma vraie rentrée s’est faite hier, grâce au prix Nobel décerné à Annie Erneaux. Cette écrivaine de ma génération qui m’a profondément marquée dès les années 70 et dont on reconnait ainsi la légitime importance. Elle a été pour moi un miroir, un modèle. Je me retrouvais dans son parcours, sortie d’un milieu modeste, c’est par l’école, l’écriture et la lecture qu’elle a fait sa « revanche de classe »… Elle a porté très haut et très fort la voix des femmes, j’aurais aimé avoir son talent, c’est grâce à elle que j’ai osé et que j’ose encore écrire, elle m’a convaincue que toute parole valait d’être entendue ! La sienne va l’être mondialement, puisse-t-elle aider celle des Iraniennes ou des Afghanes et les autres à l’être aussi dans la sphère internationale pour être sauvées… cela ferait une « rentrée » inoubliable !

L’invitée du dimanche