On ne prête qu’aux riches
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le lundi 3 octobre 2022 11:12
- Écrit par Claude Séné
Un nouveau coup d’État s’est déroulé au Burkina Faso ces jours derniers. Le chef de la junte militaire qui avait pris le pouvoir illégalement en janvier, le lieutenant-colonel Paul-Henri Damiba, a lui-même été destitué et forcé à la démission. Immédiatement, la France a été critiquée dans la rue et soupçonnée de protéger l’ancien président. La ministre des Affaires étrangères, Catherine Colonna, et l’ambassade de France à Ouagadougou se sont fendues d’un communiqué pour démentir toute implication de l’ancienne force coloniale dans les évènements récents, mais ont du mal à convaincre les nouvelles autorités de leur bonne foi.
En effet, le Burkina Faso, dont le nom signifie « patrie des intègres », était autrefois appelé la Haute-Volta et faisait partie de l’Afrique-Occidentale française jusqu’à son indépendance en 1960. Une indépendance toute relative, car le Burkina, comme d’autres pays d’Afrique de l’Ouest, va rester sous influence française, formant un des piliers de la Françafrique, une perpétuation de la colonisation sous des formes différentes. Le Burkina est un des pays les plus pauvres d’Afrique, et son histoire postcoloniale est ponctuée d’une succession de coups d’état et de putschs militaires. Officiellement, la France n’intervient pas dans la politique intérieure du pays, et c’est en partie respecté. Cependant, les présidents français successifs ont maintenu, avec l’accord des gouvernements locaux, des forces militaires, comme dans d’autres pays de la sphère d’influence française où se trouvent les dernières bases de l’ancienne puissance coloniale. De plus en plus, les populations se montrent hostiles à cette présence étrangère, qu’elles rendent responsable de tous leurs maux.
La France se maintient au nom de la lutte contre le terrorisme, mais on sent bien que cela apparait de plus en plus comme un prétexte. Elle doit aussi tenir compte de la présence de concurrents sérieux qui prennent de plus en plus d’importance. Économiquement, la Chine commence à toucher les dividendes d’une politique patiente d’implantation sur le continent africain, et militairement, la Russie, sous le faux nez de la force Wagner téléguidée par Poutine en sous-main, a réussi à supplanter la présence française dans plusieurs pays. C’est elle qui a amené le Mali à demander le retrait des forces françaises de l’opération Barkhane par exemple. La même mésaventure guette les intérêts français dans la région de l’Afrique de l’Ouest. Pour ma part, je doute fortement de la légitimité française à vouloir jouer le rôle de gendarme du monde dans son dernier pré carré. Comme ancienne colonisatrice, elle est peut-être la moins bien placée pour intervenir directement sur le terrain, au nom d’un orgueil national mal placé. Même les États-Unis ont été amenés à renoncer à l’envoi de forces physiques comme autrefois dans les régions en conflit, qui se soldaient par des bourbiers et des enlisements inextricables comme au Vietnam ou en Irak. Un exemple à suivre.