Bon appétit, Messieurs !
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le vendredi 10 juin 2022 10:57
- Écrit par Claude Séné
Par un heureux hasard, le calendrier du Président de la République si chargé qu’il l’empêche de se rendre à Kiev malgré toute l’envie qu’il en ait, s’est entrouvert aujourd’hui pour lui permettre de rencontrer les organisations syndicales pile-poil deux jours avant le premier tour des élections législatives. Il était temps ! Oui, parce qu’une fois le scrutin passé, il y aura beaucoup moins d’urgence à afficher son ouverture d’esprit et donner des gages à la fraction modérée d’une gauche « raisonnable », c’est-à-dire Macron-compatible. Le président surbooké a donc eu recours à ce vieil artifice qualifié de « déjeuner de travail », supposé concilier des impératifs contradictoires.
Chacun sait, bien entendu, qu’en réalité il est impossible d’aborder sérieusement des questions importantes entre la poire et le fromage, mais tel n’est pas l’objectif. Si l’on ajoute à cela qu’il est très impoli de parler la bouche pleine, la solution qui s’impose c’est de se contenter du monologue du président, qui, par chance, est un adepte de la frugalité, et peut toujours se rattraper avec un encas pour une fringale éventuelle. Sur les cinq invités conviés au déjeuner présidentiel, le représentant de la CGT a déjà décliné le rendez-vous, par manque d’appétit sans doute, et les quatre autres ne semblent pas en attendre grand-chose de très concret, ce en quoi je les trouve très réalistes. La ficelle est un peu grosse en effet, et je doute qu’elle attire un seul électeur qui ne serait pas déjà convaincu dans les filets présidentiels. Contrairement à la tirade du Ruy Blas de Victor Hugo, à qui j’emprunte le titre, ce ne sont pas des ministres intègres et des conseillers vertueux d’opérette qui sont visés dans mon esprit parce qu’ils se prêteraient à une mascarade sans lendemain dans le but de se partager un butin ou des dépouilles de la démocratie. Par essence, les syndicalistes sont amenés à discuter avec ceux qui ont le pouvoir, et parfois à passer des compromis avec eux. La convivialité liée aux repas n’est peut-être pas le meilleur symbole de leur combativité attendue, mais nous jugerons sur pièces.
Le fautif réel, c’est le « deus ex machina », celui qui tire les ficelles, l’Amphitryon qui invite et qui régale avec les deniers des contribuables. La date du déjeuner n’a évidemment pas été choisie par hasard. Il s’agit de vendre le dernier lapin que le président prestidigitateur a sorti de son chapeau, le Conseil National de la Refondation, qu’il n’a pas encore eu le temps d’expliquer au ministre qui en est chargé, c’est dire comme c’est frais pondu. Tout cela sera vite oublié après les élections comme les différentes consultations dont il n’est jamais tenu compte. Emmanuel Macron avait prédit : « ce quinquennat sera écologique ou ne sera pas ». Ayé ! nous avons déjà la réponse.