La forme et le fond

Éternel et vieux débat. Jean-Luc Mélenchon a-t-il eu raison de déclarer : « la police tue » au sujet du tir mortel faisant suite à un refus d’obtempérer lors d’un contrôle routier à Paris ? Il se justifie par le fait que les dénonciations de ce genre sont inaudibles si elles ne sont pas exprimées avec toute la force nécessaire. C’est la raison pour laquelle il a publié un deuxième tweet où il dénonce en sus le comportement « factieux » du syndicat de police Alliance, qui demande une « présomption de légitime défense » accordée d’office à tout policier faisant usage de son arme.

Interrogé à ce sujet sur France Inter, il persiste et signe. Ce faisant, il fait entendre son message, mais il prête le flanc à la critique, qui n’a pas manqué de souligner que l’outrance et la généralisation de ses attaques font porter le soupçon sur l’ensemble de la police. Reste que c’est la deuxième affaire du même type qui se produit en quelques semaines après la fusillade du Pont-Neuf où l’enquête est toujours en cours. Ce qui est en cause, c’est la définition même du « refus d’obtempérer ». Une notion fourre-tout qui regroupe des comportements très variés. Selon des statistiques de la police, il surviendrait un refus d’obtempérer toutes les vingt minutes. Il y aurait donc matière à faire un usage éventuel d’une arme de service trois fois par heure, ce qui est énorme, selon l’appréciation des policiers et leur analyse de la situation, dans un délai très court.

Quand on sait que les policiers, qui sont supposés bénéficier de séances d’entrainement au tir, peinent à les suivre, faute de temps, et que les trois fonctionnaires faisaient usage de leurs armes pour la première fois, on est en droit de se demander si le système n’est pas vicié dès l’origine et si le prix à payer n’est pas trop lourd pour un « gain » hypothétique. Relever le numéro de la plaque d’immatriculation aurait peut-être été aussi efficace, dans un délai à peine plus long, pour des délinquants soupçonnés de simple défaut de port de la ceinture de sécurité à l’origine. C’est l’ensemble du dispositif de maintien de l’ordre qui est questionné par ces situations qui font suite au fiasco du Stade de France et rappellent fâcheusement les blessures subies par les manifestants lors des opérations menées contre les gilets jaunes, par exemple, avec une utilisation abusive des gaz lacrymogènes, des lanceurs de balles de défense, ou des grenades de désencerclement chères au préfet Lallement. Alors, oui, Jean-Luc Mélenchon pousse peut-être le bouchon très (trop ?) loin, cela fait partie du personnage et de ses excès, mais il a le mérite de dire très haut que la peine de mort n’existe plus en France en dépit des regrets de certains nostalgiques, qui le critiquent aujourd’hui.