L’autre pays du fromage
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le samedi 28 mai 2022 11:07
- Écrit par Claude Séné
Il est permis de se demander si François Hollande ne laissera pas une trace plus visible en tant qu’humoriste qu’homme politique. Celui qui a été surnommé par les journalistes : « monsieur petites blagues » n’en finit pas d’essayer d’exister depuis son départ de la présidence de la république, dont il a jugé lui-même qu’il ne lui permettait pas de briguer à nouveau les suffrages des Français. Un constat lucide sans doute, mais qui repose à mon avis sur une analyse erronée de la situation politique du pays.
François Hollande s’est fait élire sur une déclaration qui a changé la face de la campagne électorale dans son discours du Bourget où il s’écriait : « mon ennemi, c’est la finance ». Dans le même temps, il proposait une taxation à 75 % sur les très hauts revenus, qui ne sera jamais appliquée. C’est donc grâce à un électorat de gauche qu’il accède au pouvoir, alors que sa sensibilité naturelle le porterait à plus de modération. Son péché originel, il est là. Une fois élu, il n’attendra pas deux ans, comme Pierre Mauroy en son temps, pour prendre « le virage de la rigueur ». Il va mettre en place un programme réformiste et se laisser glisser lentement vers un centre de plus en plus proche de la droite. Le choix de Manuel Valls, puis Bernard Cazeneuve, comme Premiers ministres, va illustrer cette dérive, avec notamment la présentation des lois dites El Khomri sur le droit du travail et une réforme des retraites que la droite n’aurait pas reniées. François Hollande, aux prises avec une opposition interne des députés « frondeurs » au sein d’une majorité pléthorique, met la barre à droite, décevant son électorat d’origine et se coupant d’une base ouvrière critique. Dans l’espace politique qui s’ouvre va s’engouffrer le candidat Macron, arrivé du diable Vauvert comme l’aurait dit Léon Zitrone commentant le prix d’Amérique.
Et c’est en annonçant qu’il ne se représenterait pas que François Hollande fait malgré lui la courte échelle à l’outsider, qui sera bien aidé par le naufrage de François Fillon, à la surprise générale. Si le président sortant avait eu le courage de défendre son bilan, il n’aurait probablement pas été élu, mais il aurait permis à la gauche de tourner la page et de se reconstruire après la défaite. Au lieu de quoi il semble ronger son frein, comme son adversaire de 2012, Nicolas Sarkozy, dans l’espoir d’un retour improbable à la faveur de circonstances propices. Le voici à présent réduit à soutenir des candidats dissidents ayant appartenu au PS, qui se présentent contre les candidats officiels de l’alliance passée au sein de la NUPES. À part le cas particulier du général de Gaulle, dont la traversée du désert a quand même duré 12 longues années alors qu’il tablait sur quelques mois, il n’y a pas d’exemple de retour aux affaires. « Cette leçon vaut bien un fromage, sans doute ».