Ministres parachutistes

La campagne pour les élections législatives va s’ouvrir et la majorité sortante aura des difficultés à retrouver un étiage aussi favorable qu’en 2017, lorsqu’elle était portée par la dynamique d’un nouveau mouvement formé autour du président de la République, qui avait réussi à allier les contraires en se prétendant à la fois de droite et de gauche. Si les sondages placent toujours la coalition des centres en tête des intentions de vote, sa majorité pourrait être réduite, et une surprise ne peut pas être totalement exclue. C’est dans ce contexte que 15 des ministres fraîchement nommés au gouvernement vont affronter le suffrage universel, pour la première fois pour certains.

Rien ne les y obligeait, mais le président les y a fortement incités tout en rappelant une règle non écrite qui veut qu’un ministre battu doive démissionner de ses fonctions. Inutile de vous dire qu’avec une telle épée de Damoclès, le choix de la circonscription est complètement primordial. Les « gros bras » du gouvernement, à commencer par la Première ministre, vont se présenter dans des fiefs où leurs chances de réussite sont maximales. Ce qui veut dire qu’on inverse les rôles. Ce ne sont pas les poids lourds du gouvernement qui sont chargés de conquérir des sièges jusque-là tenus par l’opposition, mais des sièges acquis à la cause, mis de côté, bien au chaud, pour des ministres parachutistes, qui ne s’y assiéront jamais. Soit ils sont désavoués directement par les électeurs qui ne se prêteraient pas au jeu purement formel d’un scrutin pour rien, soit ils sont élus, mais ce seront leurs suppléants qui siègeront tant qu’ils seront ministres.

À de rares exceptions près, le mode de désignation des candidats amène à « parachuter » des « Parisiens », qui même s’ils sont originaires de nos belles provinces passent la plus grande partie de leur temps dans la capitale, là où tout se décide dans une France hypercentralisée. Le phénomène n’est d’ailleurs pas nouveau. Il y avait et il y a toujours des « terres de mission » où des militants locaux labourent le terrain, élection après élection, en se faisant connaître et apprécier pour « monter » le pourcentage de son parti, jusqu’à ce que la circonscription devienne gagnable et qu’ils soient priés de céder la place à un éléphant tombé du ciel pour cueillir le fruit du travail souterrain. Je ne vous dis pas la taille des parachutes. Sans pouvoir en être certain, j’espère que certains vont tomber de haut et s’apercevoir, mais un peu tard, qu’ils ont misé sur les mauvais chevaux, notamment les transfuges qui ont fait défection pour aller du côté obscur de la Force avec l’esprit de l’escalier, à contretemps. Le choix, qui a pu être payant en 2017, pourrait se révéler perdant en 2022. L’opportunisme est un art délicat.