Fillettes à vendre

Peut-être avez-vous vu ce reportage tourné en Afghanistan dans une région reculée extrêmement pauvre, où les familles en sont réduites à sacrifier leurs petites filles pour sauver les autres enfants. La situation n’est pas nouvelle, mais elle s’est aggravée avec le retour au pouvoir des talibans. Certaines mères de famille ont dû renoncer à travailler pour suivre la loi islamique. Plus d’argent, plus de nourriture, le seul patrimoine restant, c’est de marier leurs filles dès le plus jeune âge pour bénéficier d’une dot de la part du mari. En fait, il s’agit, ni plus ni moins, de vendre ces malheureuses enfants en les arrachant à leurs familles.

Les parents n’hésitent d’ailleurs pas à employer le mot. Ils sont conscients de faire une sorte de négoce sordide, contraints par la nécessité. Parfois le futur mari est lui-même mineur, parfois il est plus âgé. On ignore, et c’est sans doute voulu, si le mari attendra la puberté de la fillette pour « consommer le mariage ». La famille du marié trouve son avantage à une transaction précoce : le « cours » d’une mineure est bien inférieur à celui d’une femme adulte. Il peut atteindre plusieurs milliers de dollars, une vraie fortune dans un pays aussi pauvre. Dans le même reportage, on nous présente aussi une autre motivation pour acheter un enfant : l’adoption. Une famille aisée, qui ne peut pas avoir d’enfants, débourse 550 dollars pour obtenir une petite fille, avec la meilleure conscience du monde, persuadée de lui offrir une vie bien plus confortable que celle qu’elle aurait vécue avec sa famille d’origine. C’est aussi le raisonnement des parents vendeurs, qui se consolent ainsi de leur perte.

En 2018 déjà, l’Unicef dénombrait 42 % de mariages de filles en dessous de 18 ans, le minimum légal étant de 16 ans. Le retour au pouvoir des talibans a imposé progressivement la loi islamique. Les filles ne sont plus autorisées à aller librement à l’école, les femmes doivent être chaperonnées pour sortir de leur famille, la société tout entière est soumise à des règles rétrogrades, y compris les présentatrices de la télévision, assujetties récemment au port du voile intégral. La sécheresse a contraint des populations entières à se déplacer dans l’espoir de meilleures conditions d’existence. Les familles s’entassent dans des camps de réfugiés, où les ONG, désormais interdites par les talibans, n’apportent plus leur aide humanitaire. Alors, certes ce n’est pas une guerre ouverte comme celle que vivent les Ukrainiens depuis 3 mois, mais les dégâts sont cependant terribles. Ces fillettes afghanes symbolisent le martyre d’un pays qui a toujours dû lutter contre des envahisseurs successifs et qui vit sous le joug d’une théocratie rétrograde, sans que la communauté internationale réagisse, au nom d’un droit de non-ingérence, pourtant battu en brèche depuis les années 90.