Chaud et froid en Ukraine

Quand donc Emmanuel Macron se décidera-t-il à faire le déplacement jusqu’à la capitale ukrainienne où il est chaleureusement invité à se rendre pour apprécier de visu la situation et constater la réalité des crimes de guerre dont se rend coupable la Russie de Vladimir Poutine, qu’il donne l’impression de minimiser ? La plupart des chefs d’état et de gouvernement ont déjà rendu visite à Volodymyr Zelenski ainsi que Ursula Von der Leyen, au nom de la Communauté européenne. Il est très étonnant que le président français, si prompt d’habitude à saisir la moindre occasion de faire parler de lui, n’ait pas profité de son statut de président tournant de l’Union pour faire le voyage.

Les raisons de sécurité ne sont pas à l’origine de ce refus d’obstacle, même si des missiles russes ont été tirés sur Kiev pendant la visite officielle du secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres. C’est à se demander si Emmanuel Macron ne jalouse pas le président ukrainien, qu’il soupçonne de lui voler la vedette. C’est en effet un sans-faute de Volodymyr Zelenski, qui a encore réussi un coup médiatique en s’adressant au public du Festival de Cannes dans un discours sobre et juste, truffé de références cinématographiques. Peu de temps auparavant, il avait atténué la perte du dernier bastion à Marioupol en encourageant les derniers combattants à arrêter les hostilités dans l’usine Azovstal, les félicitant d’avoir combattu en héros et promettant de les rapatrier en échange de prisonniers russes. Cette défaite objective de l’armée ukrainienne se transforme ainsi en épisode glorieux de la résistance à l’envahisseur. Cela fait longtemps que l’Ukraine a remporté la bataille médiatique, comme en témoigne son succès au concours de l’Eurovision, grâce au vote populaire. Son président a su convaincre les chefs d’État occidentaux et leurs opinions publiques de la nécessité de les aider à résister.

Selon certains analystes, Poutine a déjà perdu la guerre, ne serait-ce que par l’échec de sa stratégie militaire. Il reste à savoir comment il peut en sortir sans déclencher une catastrophe nucléaire. Emmanuel Macron donne l’impression d’être favorable à des concessions territoriales de l’Ukraine, alors que celle-ci est consciente d’être en bonne position pour un retour aux frontières d’avant 2014. Ceci explique peut-être cela. Si Macron se rêvait en Kennedy débarquant à Kiev et s’écriant : « je suis un Ukrainien ! », c’est raté. Il a laissé passer le coche. L’histoire ne repassera pas le plat. Le président français pense peut-être tout bas ce que Henri Guaino, l’ancienne âme damnée de Nicolas Sarkozy écrivait à voix haute dans le Figaro en déclarant que « nous marchons vers la guerre comme des somnambules ». Au nom d’une forme de « réalpolitik », il ne faudrait pas « humilier » Poutine, au risque de le laisser devenir un nouvel Hitler, simplement parce qu’il possède l’arme nucléaire. Jusqu’où cela nous mènera-t-il ?