Les randonneurs du dimanche

J’ai toujours été un peu surpris par le nombre de randonneurs recensés officiellement, comparé à la simple observation de la fréquentation des sentiers, balisés ou non, sur lesquels on est rarement bousculé. Il y aurait environ 16 millions de randonneurs français, dont on se demande où ils sont passés la plupart du temps, si l’on excepte les lieux naturellement touristiques comme le littoral et les sentiers côtiers. Ce paradoxe apparent s’explique déjà par la méthodologie. Une enquête effectuée en 2019, avant le Covid donc, est à l’origine de ces chiffres, et s’appuie essentiellement sur du déclaratif.

Il suffit d’avoir déclaré une pratique occasionnelle, au moins une fois dans l’année écoulée, pour faire partie de la proportion flatteuse de 35 % de pratiquants de ce qu’il est convenu d’appeler la « randonnée pédestre ». Pédestre, je veux bien, il n’existe pas encore pour le moment d’assistance électrique ou autre pour faciliter l’activité comme pour le vélo, si l’on met de côté l’utilisation de bâtons inspirée de la marche nordique. Mais le terme de randonnée s’applique davantage dans mon esprit à une pratique plus sportive, plus aventureuse, à laquelle j’ai renoncé depuis pas mal de temps. Je me contente largement du terme de promenade ou de balade qui rend mieux compte du train de sénateur auquel je me déplace désormais, et que nous partageons, mon invitée et moi, avec le rythme des personnes que nous croisons. Les randonneurs du dimanche, nous les voyons généralement en famille, sur des chemins faciles, à partir de 15 heures en pricipe. On imagine qu’ils ont déjeuné chez la belle-mère et se font leur promenade digestive après le café dominical, mais c’est peut-être pur fantasme.

Il existe cependant, même le dimanche, une catégorie de pratiquants plus réguliers, que l’on repère facilement à leurs chaussures, surtout les dames. Celles qui privilégient l’élégance dans des escarpins ne font généralement pas long feu excepté dans les endroits aménagés spécialement. Les marcheurs aguerris sont en principe équipés de chaussures ad hoc, même en plaine. Ils ne sont plus que 5 millions environ à pratiquer au moins une fois par semaine, selon leurs dires. Près de la moitié des pratiquants a plus de 50 ans et plus du quart est retraité. Ce qui s’explique par la nécessité de disposer de temps libre. Moyennant quoi, l’activité peut être adaptée à l’énergie dont on dispose. Les bénéfices de l’activité physique sur la santé ne sont plus à démontrer, et le plaisir et la détente qui l’accompagnent, que ce soit grâce à la découverte, ou à la familiarité des lieux, n’ont pas de prix, tout en étant gratuits. Marcher permet aussi d’élaborer la pensée, à l’instar des déambulations du philosophe Aristote qui dispensait son enseignement à ses disciples en marchant. Si Winston Churchill attribuait sa longévité à l’absence de sport, il aurait pu faire une exception pour la marche, à dose modérée.