Inadmissible
- Détails
- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le jeudi 28 avril 2022 10:49
- Écrit par Claude Séné
Ce qui est « inadmissible » selon le syndicat de police Alliance, c’est que la présomption de légitime défense qu’il réclame depuis longtemps n’ait pas été retenue automatiquement après les tirs mortels d’un des leurs sur une voiture près du Pont Neuf à Paris dimanche dernier. Le syndicat est dans son rôle quand il défend un « collègue » et d’ailleurs l’enquête ne fait que commencer. De là à anticiper les conclusions et à lui accorder d’emblée le bénéfice du doute avant même que les faits soient établis, il y a un gouffre, qu’il serait dangereux d’enjamber, y compris pour les policiers eux-mêmes.
Cette prise de position exprime la méfiance, pour ne pas dire plus, du corps de la police à l’égard de l’institution judiciaire, accusée de tous les maux pour un supposé laxisme envers les délinquants. Les juges d’instruction ont estimé que la légitime défense n’était pas établie à ce stade de l’enquête. Selon les policiers, le véhicule stationné quai des Orfèvres s’était soustrait à leur tentative de contrôle d’identité en fonçant sur la patrouille, entraînant la riposte à l’aide d’un fusil d’assaut, une rafale d’une dizaine de balles, tuant le conducteur et son passager avant et blessant un troisième passager à l’arrière. Pour le commun des mortels, et apparemment pour les juges également, la défense n’était pas proportionnée à l’attaque. Le fonctionnaire de police connaissait la létalité de son arme et il a donc tiré en toute connaissance de cause. C’est ce qui a entraîné sa mise en examen pour homicide volontaire, alors que l’IGPN ne retenait que l’homicide involontaire, sans intention de donner la mort.
L’enquête n’en est qu’à son début, mais contrairement aux habitudes, il n’y a pour l’heure aucune vidéo, de télésurveillance ou d’amateur, et peu de témoins hormis les protagonistes eux-mêmes, dont les déclarations peuvent être sujettes à caution. Pour la défense du policier mis en examen, le syndicaliste responsable d’Alliance indique que son collègue aurait agi rapidement, « en une fraction de seconde », en utilisant l’arme portée en permanence en bandoulière autour du cou et qu’il tient en main. C’est précisément ce qui fait froid dans le dos, connaissant la puissance de feu d’un fusil d’assaut dont les policiers ont été dotés pour répondre éventuellement à des attaques terroristes à la kalachnikov. C’est une illustration de l’inutilité et la dangerosité de pratiquer une escalade dans les dotations d’armes de plus en plus létales, quand le danger provient le plus souvent d’armes blanches ou d’armes par destination, comme le camion fou à Nice en 2016. Ce qui est effectivement « inadmissible », c’est d’accorder sans discernement un permis de tuer où la légitime défense serait établie automatiquement du fait de la fonction exercée, sans un examen normal et légitime des circonstances et de la situation.